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10 questions à propos des enfants fragilisés

Les parents d’un enfant fragilisé, présentant un trouble du comportement ou dépendant, s’inquiètent pour l’avenir. Comment peuvent-ils protéger leur enfant ? Quelles sont les conséquences du nouveau droit successoral dans leur situation ?

Maître Carol Bohyn, porte-parole de notaire.be/notaris.be, reçoit régulièrement dans son étude des parents d’enfants vulnérables et dépendants (fragilisés). Ce qu’il en ressort, c’est que chaque cas est unique.  » Toutes les familles ont leur propre histoire. Parfois, elles optent pour les mêmes solutions, mais pour des raisons différentes. « 

1 Quelles possibilités le nouveau droit successoral offre-t-il aux parents d’enfants fragilisés maintenant que les pactes successoraux sont autorisés ?

Maître Bohyn : Actuellement, les pactes réglant une succession future sont en effet interdits. À partir du 1er septembre 2018, de tels pactes seront autorisés dans certains cas et en accord avec l’ensemble des héritiers présumés. Les familles pourront ainsi déterminer si chaque enfant a été traité de manière équitable en matière de donations (et de rapport des donations dans la succession). Parents et enfants peuvent même définir ce qu’ils entendent par un traitement équilibré. Cela permet qu’aucun enfant ne se sente désavantagé au moment de la succession en raison, par exemple, d’une ancienne donation.

Veillez à ne pas créer de déséquilibre entre vos enfants afin d’éviter des tensions au sein de la famille.

2 Est-il judicieux de prévoir une donation avec charge ? Vous donnez par exemple une certaine somme à votre aîné en le chargeant de verser 1.000 € par mois à l’enfant fragilisé.

Si vous donnez une partie à l’enfant fragilisé via une charge de rente, vous devez toujours tenir compte de la part réservataire des autres enfants. Le nouveau droit successoral accroît toutefois votre quotité disponible (la partie de votre succession dont vous pouvez disposer comme bon vous semble). À partir de septembre 2018, cette quotité sera toujours de 50 % de votre héritage, peu importe le nombre d’enfants. Si vous avez deux enfants, leur part réservataire sera donc de chacun 25 % contre 33 % auparavant. Le nouveau droit successoral offre également davantage de possibilités aux frères et soeurs d’un enfant fragilisé. Un enfant pourra, par exemple, accepter explicitement que sa part réservataire soit entamée, de sorte qu’une plus grande part revienne à son frère ou sa soeur fragilisé(e). On parle alors de pacte successoral ponctuel.

10 questions à propos des enfants fragilisés
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3 Qu’en est-il du legs de residuo ? Le testateur peut ainsi désigner l’héritier du reste de ses biens au décès du premier légataire.

Vous pouvez, par exemple, léguer par testament une certaine somme à un enfant fragilisé, tout en prévoyant qu’à son décès, le solde reviendra aux enfants de votre/vos autre(s) enfant(s). Le legs de residuo (ou la donation de residuo) est fiscalement avantageux : le second héritier bénéficie des mêmes droits de succession (réduits) que le premier. Vous pouvez ainsi par exemple limiter l’ardoise fiscale lorsque vos petits-enfants héritent de leur oncle ou tante. Par ailleurs, le legs de residuo vous permet de déterminer ce qu’il advient de vos biens et d’éventuellement vous assurer qu’ils demeurent dans la famille.

4 Est-il intéressant de souscrire une assurance-vie pour l’enfant fragilisé ?

Suivant les besoins de l’enfant fragilisé et ce que vous voulez laisser en tant que parents, une assurance-vie classique peut tout à fait être envisagée. Veillez toutefois à ne pas créer de déséquilibre entre vos enfants. Si l’enfant fragilisé est le bénéficiaire d’une assurance-vie de 150.000 € et que votre autre enfant hérite d’une maison d’une valeur de 150.000 €, vous avez traité vos enfants de manière équitable. Mais si l’enfant fragilisé hérite d’une importante assurance-vie et de la moitié de tout le reste, alors que les autres enfants n’ont pas reçu d’assurance-vie, cela pourrait créer des tensions au sein de la famille. Vos autres enfants pourraient demander le  » rapport  » et ainsi réduire l’héritage de l’enfant fragilisé. La réduction ne sera toutefois opérée que si elle dépasse la moitié de votre succession dans le cadre du nouveau droit successoral.

Il faut veiller à ne pas en demander trop à la personne chargée de veiller sur l’enfant fragilisé.

5 Est-il possible de prévoir que l’enfant fragilisé reçoive une rente mensuelle plutôt qu’une unique somme importante ?

C’est tout à fait envisageable, mais le montant de la rente dépend évidemment de la valeur de l’héritage de l’enfant. Si l’ensemble de son héritage vaut 100, il ne sera ainsi pas possible de prévoir le versement d’une rente annuelle de 10 pendant 20 ans, soit 200 au total.

6 Puis-je effectuer une donation à une ASBL avec charge de rente au bénéfice de l’enfant fragilisé ?

Ce cas de figure concerne surtout les familles avec un seul enfant. L’ASBL doit payer moins de droits de donation et de succession que des frères, soeurs, neveux, nièces ou autres. Si l’ASBL ne peut payer les droits de succession, l’administration fiscale réclamera des intérêts de retard. Il arrive que l’ASBL refuse une donation ou un legs, car les charges qui en découlent sont trop importantes par rapport au gain. Elle n’en tire alors aucun bénéfice. La succession est alors répartie suivant les règles de dévolution légale, ce qui n’est évidemment pas ce que les parents souhaitaient.

7 Si j’effectue une donation à l’enfant fragilisé, ai-je la possibilité de revenir sur ce qui a été conclu ?

Non, ce n’est pas possible, à moins que les parents aient prévu certaines causes de révocation comme l’ingratitude, l’interdiction d’aliénation ou d’apport dans la communauté du mariage, et d’autres conditions.

8 Le recours à la procuration ou au mandat extrajudiciaire est-il à conseiller ?

Le mandataire porte dans tous les cas une importante responsabilité. Il doit pouvoir justifier tous ses actes. S’il retire du cash à la banque pour l’intéressé, il doit pouvoir démontrer à quoi a servi cet argent. Le mandat extrajudiciaire demeure valable si le mandant devient incapable. Cela suppose évidemment une totale confiance.

9 Un enfant fragilisé paie-t-il moins de droits de donation ou de succession ?

Oui, cela ne concerne cependant que la Flandre qui a prévu un abattement des droits de succession, mais pas de donation. Une telle mesure n’existe pas à Bruxelles et en Wallonie. Donc, l’héritier d’une personne habitant en région flamande bénéficiera de cet abattement si elle émarge à une des trois catégories suivantes : (1) être reconnu invalide à plus de 66 %, (2) une réduction de sa capacité de gain d’au moins un tiers ou (3) une perte d’autonomie d’au moins 9 points. L’invalidité doit par ailleurs résulter de faits survenus et constatés avant l’âge de 65 ans.

10 Quels sont les principaux pièges et sources d’inquiétude à éviter pour les familles avec un enfant fragilisé ?

Les parents d’un enfant fragilisé souhaitent surtout que l’enfant continue à bénéficier de la protection nécessaire et soit heureux après leur décès. Ils doivent toutefois garder les pieds sur terre et être conscients que l’ampleur de la succession détermine en partie ce qui est possible ou pas. Parmi les pièges à éviter, je leur conseillerais surtout de faire attention à ne pas poser trop de conditions et à ne pas en demander trop à la personne chargée de veiller sur leur enfant. Elle risquerait de craquer sous la pression. Ils ne doivent également pas hésiter à se faire conseiller par un notaire qui pourra établir le cadre juridique.

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