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9 questions sur l’admission forcée

Les conjoints et la famille d’une personne souffrant de dépendance se font, à juste titre, du souci pour leur proche mais nourrissent également des inquiétudes pour eux-mêmes. Quelles solutions la loi offre-t-elle ?

1. Quand peut-on faire admettre une personne de force ?

Il faut que cette personne soit reconnue atteinte de « maladie mentale ». Or les addictions – à l’alcool, aux drogues, aux médicaments... – ne sont pas des maladies mentales. On ne peut hospitaliser de force une personne que si son addiction résulte d’une maladie mentale ou a rendu cette personne mentalement instable. Il faut donc être en présence d’une phase suicidaire aiguë (projet de suicide ou pensées suicidaires) ou de réactions psychotiques (perception déformée de la réalité avec hallucinations, confusion, négligence de soi...) pour pouvoir hospitaliser quelqu’un de force.

Il faut aussi que la personne mette gravement en péril sa santé et sa sécurité et/ou celle d’autrui. On peut donc faire placer sous observation forcée un consommateur de cannabis qui aurait un comportement psychotique ou un chauffeur de poids lourd drogué et alcoolique sujet, par exemple, à un comportement psychotique et à des crises d’angoisse, et qui se ferait arrêter par la police sur l’autoroute en raison de sa conduite dangereuse. L’admission forcée n’est possible qu’en l’absence de toute autre alternative (absence de soins appropriés ou refus de soins de la part de la personne). Si la personne dépendante est prête à se faire soigner, il ne peut pas être question de la colloquer.

2. Que faire en cas de crainte pour sa propre vie ?

Il est important que le partenaire ou un membre de la famille puisse démontrer qu’il y a un danger. Danger qui peut s’exercer tant au niveau physique que mental. Un partenaire ou un membre de la famille ne craint en général pas pour sa propre vie du jour au lendemain. Souvent, les situations dangereuses ou menaçantes sont bien connues de la police, des assistants sociaux ou du personnel soignant. En cas de crainte pour sa propre vie, il est important que celui qui demande l’admission de force fasse spécifiquement référence aux précédentes situations de mise en danger dans sa demande écrite.

3. Qui peut faire la demande ? Uniquement le conjoint et la famille ?

Toutes les parties intéressées peuvent formuler une demande d’admission forcée auprès du greffier de la justice de paix relevant de la juridiction du lieu de domicile de la personne concernée. Il peut donc s’agir du conjoint, de la famille, d’un proche (ami ou autre), d’un travailleur social ou d’un médecin qui serait (très) inquiet. La requête écrite doit préciser en quoi elle répond aux trois critères requis par la loi pour une admission forcée (maladie mentale, danger, absence d’alternative). Il faut y joindre un rapport médical datant de maximum quinze jours.

4. Le médecin traitant peut-il rédiger le rapport médical ?

Le médecin ne peut jamais être un parent de la personne dépendante ou du requérant. Il ne peut pas non plus être lié à un service psychiatrique qui aurait éventuellement déjà reçu et traité la personne. Quant à savoir si le médecin traitant (ex. le généraliste) a le droit de rédiger le rapport médical, cela reste sujet à caution. Certains juges de paix l’acceptent, d’autres non.

5. Dans quel délai peut se produire l’admission forcée ?

Il faut distinguer la procédure ordinaire de la procédure d’urgence.

En cas de procédure ordinaire, dès qu’il reçoit la requête écrite, le juge de paix désigne un avocat qui représente le toxicomane. Dans un délai de 24 heures après réception de la demande, le juge de paix fixe le jour et l’heure de sa visite auprès de la personne qu’on désire faire hospitaliser, ainsi que le jour et l’heure de l’audience. Dans le même délai, la personne dépendante est avertie par courrier légal de la demande d’admission forcée.

L’audience a lieu le plus souvent au domicile de la personne concernée. Le juge de paix entend les arguments du malade et ceux de toute autre personne qu’il peut estimer utile d’entendre. L’avocat de la personne dépendante est également présent. Le juge de paix rend son jugement dans les 10 jours suivant le dépôt de la requête.

La procédure d’urgence prend nettement moins de temps. Elle est le plus souvent enclenchée par la police ou un médecin/psychiatre (après intervention urgente auprès de la personne). Le service de police ou le médecin prend contact avec le procureur du Roi, afin que la personne soit prise en charge sans délai, pour autant que son cas réponde aux trois critères prévus par la loi (maladie mentale, danger et absence d’alternative). Comme dans le cas d’une procédure ordinaire, le juge de paix organise par la suite une audience pour confirmer ou lever la mesure de mise en observation.

6. Quelle est la durée de l’admission par procédure ordinaire ?

L’admission forcée est limitée à 40 jours. Pendant cette période, le patient est examiné et traité. Il est libre ensuite de quitter l’institution. Mais il peut aussi décider, en accord avec l’équipe médicale, de poursuivre son traitement. S’il semble nécessaire de prolonger la prise en charge psychiatrique au-delà des 40 jours prévus, le directeur de l’institution doit envoyer au juge de paix un rapport de la main du chef de service. La durée maximale de l’admission est de deux ans.

7. Que peut faire la personne de confiance ?

Le malade a toujours la possibilité de nommer une personne de confiance. Celle-ci peut l’assister lors des différentes phases de l’admission forcée. La personne de confiance peut assurer le lien entre le malade, le juge de paix, l’avocat et les équipes soignantes, pour améliorer la communication. Il peut y avoir plusieurs personnes de confiance. Des frères et soeurs peuvent décider de veiller ensemble aux intérêts d’un parent souffrant d’une assuétude.

8. En tant que conjoint ou membre de la famille, a-t-on le droit d’être tenu informé de la situation d’une personne admise de force ?

Les médecins sont tenus au secret professionnel. Le médecin traitant du malade admis de force n’a pas le droit de divulguer au conjoint ou à la famille des informations concernant son patient. Il ne peut le faire que si le malade lui donne son feu vert, si le conjoint ou le membre de la famille a été désigné personne de confiance ou si la situation l’exige (urgence ou autre). L’avocat de la personne est également tenu au secret professionnel.

9. Le conjoint ou un membre de la famille peut-il faire une demande d’admission forcée s’il estime que sa vie est mise en péril ?

Une admission forcée n’est pas un internement. Ce dernier n’intervient qu’en cas de délit. Exemple : si un personne dépendante à l’alcool à des idées délirantes et se promène dans la rue avec un couteau, elle peut être admise de force. Si cette même personne poignarde un passant, il y a de fortes chances qu’elle soit internée.

Par Julie Hantson, avocate

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