Guy Legrand

« L’âge de la retraite, un souci universel »

Guy Legrand

Par-delà ses opinions et aspirations personnelles, il y a des lames de fond que l’on ne peut ignorer si l’on veut comprendre la marche du monde.

Voilà de longs mois que les manifestations se succèdent en Belgique contre la réforme des pensions. En Belgique ? Pas seulement : il en va de même en France. Et on a assisté à des protestations analogues en Grande-Bretagne et ailleurs. L’âge de la retraite et le financement des pensions sont en réalité une préoccupation universelle. A preuve : en février dernier, le gouvernement social-démocrate suédois a annoncé que l’âge minimal de la retraite serait porté de 61 à 64 ans, avec possibilité de travailler jusqu’à 69 ans au lieu de 67. Il a expliqué :  » Pour assurer le maintien de pensions bonnes et sûres, la durée de la vie active doit être allongée « . Le gouvernement japonais va plus loin. Il a esquissé une  » société où toutes les générations peuvent être actives  » en proposant de pouvoir prendre sa retraite au-delà de 70 ans. Pour les fonctionnaires, la limite a été repoussée à... 80 ans. Notez que c’est une possibilité, pas une obligation !

Au Japon, les fonctionnaires pourront travailler jusqu’à 80 ans.

Pourquoi ces préoccupations ? C’est le taux d’emploi de la population (lequel dépend notamment du taux de chômage et de l’âge de la retraite) qui détermine la création de richesse, et ceci dans des proportions considérables. Voyez plutôt. La productivité légendaire des travailleurs belges permettait au pays d’afficher un revenu de 111.753 dollars par personne occupée en 2015, suivant les calculs de l’OCDE. Soit 22,7 % de plus que l’Allemagne ! Fabuleux, n’est-ce pas ? Sauf que, par habitant, notre voisin de l’Est nous devançait de 5 %. En cause : le faible taux d’emploi de notre pays.

Bien sûr, il n’y a pas que la richesse officielle qui compte, celle qui est ici mesurée par ce fameux PIB. Ce serait faire injure aux femmes (et hommes) au foyer, qui élèvent les enfants et triment autant que les salariés, voire plus. Ou encore à tous ces bénévoles, dont de très nombreux pensionnés, qui rendent d’immenses services à la collectivité. Sans oublier les papys et mamies qui prennent soin de leurs petits-enfants. Bien sûr, mais... Le noeud du problème, c’est que seule la richesse officielle, c’est-à-dire le revenu soumis à l’impôt, procure des recettes à l’Etat. Pour payer l’enseignement, les soins de santé, les pensions... D’où ces réformes lancées partout dans le monde, en réaction à une population qui vieillit. Ou qui régresse même, comme au Japon. Dans ce pays, l’âge effectif de départ à la retraite dépasse pourtant déjà 70 ans pour les hommes, comme en Corée, ou encore au Chili et au Mexique. Notez que les choses changent en Europe, et rapidement. En France, pays réputé pour un départ en retraite historiquement assez précoce, la proportion des citoyens encore actifs à 60 ans a explosé de 36 % en 2010 à 74 % en 2016 ! Par-delà ses opinions et aspirations personnelles, il y a des lames de fond que l’on ne peut ignorer si l’on veut comprendre la marche du monde.

Contenu partenaire