© FRANK BAHNMÜLLER

Merci d’être solidaire !

Guy Legrand

Après 2,03 % en décembre, puis 2,65 % en janvier, l’inflation a brutalement atteint pas moins de 2,97 % en février dans notre pays, beaucoup plus que prévu. Faut-il s’inquiéter de cette flambée ?

En réalité, la progression des prix de détail sur un an – c’est la définition de l’inflation – avait déjà atteint 2,28 % en juillet dernier. Par ailleurs, on s’attend à un repli à partir du mois de mars, de sorte que la hausse reviendrait à 2,1 % pour l’ensemble de l’année 2017. De toute manière, comme l’a aussitôt souligné l’économiste en chef de la Banque centrale européenne (BCE), notre compatriote Peter Praet, cette poussée n’est que temporaire et l’inflation de base, hors emballement du pétrole, tourne autour de 1 % seulement.

Pas d’inquiétude, donc ? Certainement pas ! C’est même carrément un soulagement, après la dangereuse période d’inflation négative que l’on vient de vivre en Europe. En mai 2016 encore et sur un an, les prix étaient en recul de 0,1 % dans l’Union. On frisait donc toujours la déflation. Vous savez : cette spirale de baisse des prix considérée comme la maladie la plus grave qui puisse toucher l’économie, car elle la met K-O pour un bon bout de temps, elle et les citoyens.

L’inflation de base n’est que de 1% environ.

Ce n’est pas la seule raison de ce soulagement dans le chef des autorités économiques. Une petite remontée de l’inflation présente un autre avantage, bien connu depuis longtemps : elle permet de rembourser ses dettes plus facilement, puisqu’on paie les intérêts, et ensuite le principal, avec de l’argent qui s’est déprécié au fil du temps. A une condition bien sûr : que les taux d’intérêt, eux, ne remontent pas, ou guère. Pas de souci : comme les autres banques centrales, la BCE y veille !

Bénéficiaires de cette situation, qui devrait durer quelques années encore : les ménages endettés, à titre hypothécaire notamment. Mais également, et même surtout, les Etats ! Eux dont l’endettement a explosé au cours des dix dernières années. De leur côté, les perdants sont évidemment les épargnants, dont les revenus ne compensent pas l’érosion du capital. Ils sont donc solidaires des autres, à leur corps défendant.

Cette solidarité vaut aussi à l’échelle de l’Union européenne. Les pays du nord, Benelux et Allemagne en particulier, sont en effet globalement des pays d’épargne, tandis que ceux du sud et de l’est sont en manque d’épargne. Nous, Belges, nous subsidions donc ces régions, qu’on le veuille ou non. Doit-on s’en plaindre ? Pas à long terme en tout cas, car « l’égoïsme bien compris, c’est la solidarité », expliquait l’économiste français Jean Fourastié. Autrement dit : on a intérêt à ce que les autres aussi deviennent riches, car ce n’est pas aux pauvres qu’on peut vendre nos produits et nos services, et ainsi assurer nos emplois et les revenus de l’Etat. Voilà une vraie consolation pour ceux qui n’ont pas la fibre solidaire...

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