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Mettre de l’argent dans le bien de votre partenaire: ce qu’il faut savoir

Est-il judicieux d’investir dans la maison de la personne dont vous partagez la vie ? Oui, pour autant que vous ne négligiez aucun détail et que vous mettiez tout par écrit.

Votre (nouveau) partenaire possède déjà une maison et vous êtes disposé à contribuer au remboursement du crédit en cours ou à payer votre part dans la rénovation ? Parfait, tant que tout va bien entre vous. Mais, aussi déplaisant que cela puisse vous paraître, vous devez envisager le scénario du pire, une séparation ou un décès. Pourrez-vous récupérer les fonds que vous aurez investis ? Pourrez-vous hériter ? Avez-vous votre mot à dire sur la maison ?

Vous ne devenez pas copropriétaire !

Ce n’est pas parce que vous investissez dans la maison de votre partenaire que vous en devenez propriétaire !

Investir dans la maison de votre partenaire ne fait pas de vous le copropriétaire, même si vous vous mariez et qu’elle entre dans la communauté de biens, car le propriétaire d’une maison ou d’un appartement est la personne dont le nom figure sur l’acte d’achat. Si vous vivez effectivement ensemble, c’est votre partenaire-propriétaire qui décide seul de sa vente éventuelle, quand bien même il s’agit du domicile familial. Autrement dit, vous pouvez être purement et simplement mis à la porte. Ce n’est pas le cas si vous vous mariez ou que vous êtes cohabitants légaux. Dans ce cas, le propriétaire ne peut ni vendre ni hypothéquer le bien sans le consentement de l’autre tant qu’il s’agit du domicile familial. Ce qui ne sera évidemment plus le cas après une séparation.

Peut-on récupérer l’argent investi dans la rénovation ?

Si vous avez contribué aux travaux de rénovation de la maison de votre partenaire, il n’est pas toujours aisé de récupérer l’argent investi. Trois éléments sont déterminants.

1. Conservez les preuves

Vous devez pouvoir prouver que vous avez effectivement effectué des dépenses pour la maison. Par exemple, en produisant des preuves de paiement qui attestent que le prêt ou des travaux de rénovation ont été payés par l’intermédiaire de votre compte bancaire. Les paiements en espèces sont évidemment bien plus difficiles à prouver.

2. Vous devez démontrer l’existence d’uncadre juridique

Pour étayer votre demande de remboursement auprès de votre partenaire, vous devez également démontrer l’existence d’un cadre juridique. Vous pourriez argumenter, par exemple, que vous lui avez prêté de l’argent.

3. Mettez tout par écrit

La loi stipule que tout prêt de plus de 375 euros doit faire l’objet d’un contrat écrit. Donc, si vous voulez prouver que vous avez prêté, par exemple, 10.000 euros mais que vous ne disposez pas de contrat écrit, votre demande sera, dans la plupart des cas, rejetée par le tribunal. Quelles que soient les sommes en jeu, mettez tout par écrit.

Précisez le montant que vous investissez, l’objet de l’investissement et la manière dont le prêt doit être remboursé.

Indiquez si un intérêt doit être calculé et si vous partagez la plus ou la moins-value du bâtiment.

Assurez-vous que l’accord soit rédigé dans les formes prescrites par la loi. Le nom et l’adresse des deux parties doivent figurer sur le contrat qui sera établi en autant d’exemplaires qu’il y a de parties, chaque partie recevant le sien. Toutes les pages doivent être paraphées et la dernière signée.

La maison suit le terrain

Si votre partenaire possédait déjà un terrain sur lequel vous décidez de construire ensemble, la maison sera quand même sa propriété exclusive. C’est une conséquence du droit d’accession: la maison suit le terrain. Le mariage avec communauté des biens permet de contourner cette disposition: il est stipulé dans le contrat de mariage que votre partenaire apporte le terrain à la communauté. Vous devenez ainsi propriétaire du terrain et de la maison. A défaut, votre partenaire devra vous payer une compensation en cas de rupture étant donné qu’il/elle aura tiré avantage de la communauté de biens. Si vous êtes mariés sous le régime de la séparation ou que vous cohabitez, il est préférable de signer un contrat attestant de votre investissement et de votre droit au terrain. Demandez conseil à votre notaire !

Peut-on récupérer l’argent investi dans le rachat de la maison ?

Votre partenaire est divorcé et souhaite racheter la maison à son conjoint. Vous désirez participer à cet investissement. Il existe différents cas de figure. Pour éviter que, plus tard – en cas de rupture – vous ne puissiez récupérer votre investissement, il est fortement conseillé de tout mettre par écrit.

Vous pouvez contracter conjointement un emprunt mais ce n’est pas parce que vous le signez ensemble et que vous le remboursez ensemble que vous devenez propriétaire de la maison. C’est également insuffisant que pour demander à être éventuellement remboursé plus tard. C’est pourquoi, vous avez tout intérêt à clarifier la situation dans un contrat écrit.

Vous pouvez acheter une partie de la maison. Cette solution est assez onéreuse puisque vous devez vous acquitter des droits d’enregistrement, bien plus élevés que les frais de sortie d’indivision qu’aurait à payer votre partenaire si son conjoint désire vendre leur maison. Les droits d’enregistrement s’élèvent à 10% en Flandre, à 12,5% en Wallonie et à Bruxelles. La sortie d’indivision se monte à 1 % en Wallonie et à Bruxelles, ainsi que pour les couples mariés et cohabitants légaux en Flandre. En Flandre, il est appliqué un taux de 2,5% pour les cohabitants de fait.

Vous pouvez également travailler en deux étapes: votre partenaire rachète la maison à son exconjoint et paie les frais de sortie d’indivision, 1 % ou 2,5 % sur le montant total. Ensuite, vous vous mariez et votre conjoint apporte la maison dans la communauté de biens dans le cadre du contrat de mariage. Cette solution est beaucoup moins onéreuse que la précédente, mais n’est évidemment possible que s’il y a patrimoine commun.

Supposons que votre partenaire ait déjà racheté la maison à son ex-conjoint et ait déjà souscrit un emprunt pour financer ce rachat. Vous pouvez parfaitement prêter de l’argent à votre partenaire dans le cadre d’un contrat de prêt. Encore une fois, il s’agit de le rédiger correctement et de se mettre d’accord sur l’échéance du prêt, l’intérêt éventuel et le partage de la plus ou de la moins-value.

Se marier ou cohabiter ?

Pour ce qui concerne la compensation que vous êtes en droit de demander pour avoir investi dans la maison de votre partenaire, peu importe que vous soyez mariés ou cohabitants. Même si vous vous mariez sous régime légal (communauté réduite aux acquêts) et qu’il n’y a donc pas de communauté de biens, vous devrez prouver votre investissement et l’existence d’un cadre juridique pour espérer être remboursé. Pour autant que vous investissiez votre propre argent dans le bien appartenant en propre à votre conjoint avant le mariage.

Si vous décidez de vous marier sous le régime légal, votre conjoint peut apporter la maison dans la communauté de biens. C’est parfaitement possible même si vous vous mariez sous le régime de la séparation des biens et de la communauté réduite aux acquêts.

Continuer à habiter la maison ?

Qu’adviendrait-il si votre partenaire venait à décéder ? Pourriez-vous continuer à habiter sa maison dans laquelle vous avez investi ? Le fait est que cet investissement ne vous octroie aucun droit supplémentaire !

Si vous optez pour une cohabitation de fait, vous n’aurez aucun droit à l’héritage. Votre partenaire peut établir un testament par lequel il vous désigne comme héritier et vous donne, par exemple, l’usufruit de la maison et le droit d’y demeurer, mais un testament ne peut affecter la part réservataire de ses enfants.

Les cohabitants de fait n’ont aucun droit à l’héritage.

Si vous optez pour une cohabitation légale (par une déclaration au registre de la population de votre commune), vous aurez droit à une partie limitée de l’héritage. Vous hériterez de l’usufruit de la maison et des meubles sauf si, par testament, votre partenaire en décide autrement. Il/elle peut vous attribuer davantage ou, au contraire, décider que vous n’obtenez rien. Un testament peut réduire à néant l’héritage d’un cohabitant légal !

Si vous optez pour le mariage, vous héritez automatiquement l’un de l’autre. Vous héritez de l’usufruit de la maison et des meubles de votre conjoint, quand bien même la maison était sa propriété. Ses enfants ne peuvent vous faire quitter la maison. Un testament ou un contrat de mariage pourrait vous octroyer davantage de droits encore.

LE COMPAGNON DE GRETA SOUHAITE PARTICIPER À LA RÉNOVATION DE LA CUISINE

« J’ai entamé une nouvelle relation quelques années après mon divorce. J’ai racheté la maison de mon ex-mari. Par facilité, nous avons décidé que mon nouveau compagnon emménagerait dans ma maison. Nous allons prochainement rénover la cuisine et construire une annexe où il aura l’espace nécessaire à l’exercice de son hobby. Il souhaite investir avec moi, ce dont je suis ravie, mais qu’adviendra-t-il s’il m’arrive quelque chose ? Je souhaite qu’il puisse continuer à vivre ici mais, par ailleurs, je souhaite également que ma maison revienne plus tard à mes enfants. Nous préférons ne pas nous marier, éventuellement cohabiter légalement.

Greta P., Termonde

Jan Roodhooft, avocat: Si Greta et son nouveau compagnon décidaient de cohabiter légalement, en cas de décès de Greta, il hériterait de l’usufruit de la maison et des meubles. Ses enfants seraient nu-propriétaires et auraient la pleine propriété de la maison au décès de son compagnon. Ce qui peut être long... C’est pourquoi on pourrait conseiller à Greta et à son compagnon de convenir d’un droit de résidence limité dans le temps. Ainsi, son compagnon ne risquerait pas de se retrouver à la rue du jour au lendemain et elle préserverait les intérêts de ses enfants. »

CAROLINE A PARTICIPÉ AUX FRAIS D’ISOLATION

« J’ai investi une partie de l’argent dont j’ai hérité dans les travaux d’isolation de la maison de mon compagnon. Certains amis ont trouvé cela imprudent dans la mesure où je n’ai aucun droit sur cette maison. Pour ma part, je considère que c’est une compensation au fait que j’y vis. Est-ce naïf ? Si nous devions nous séparer, pourraije me faire rembourser ?

Caroline V., Overijse

Jan Roodhooft, avocat: Il est toujours plus prudent de mettre par écrit le montant de votre investissement et ce que vous pourrez en récupérer si « quelque chose » arrive. Beaucoup de gens pensent qu’il suffit de produire leurs extraits de compte bancaires pour prouver qu’ils ont effectivement investi dans la propriété de leur partenaire. Mais cela ne suffit pas ! Vous devez également démontrer l’existence d’un cadre juridique sur base duquel vous demandez à être remboursée de votre investissement. »

JEANINE A PERDU LA MAISON QU’ELLE AVAIT CONTRIBUÉ À PAYER

« J’ai effectivement mis de l’argent dans la maison de mon précédent compagnon. Je n’avais que 22 ans à l’époque et je n’ai pas réfléchi aux conséquences. Car lorsque nous avons rompu, 25 ans plus tard, je me suis entendu dire que la maison ne m’appartenait pas. Pour ne pas perturber la bonne relation avec les enfants, j’ai préféré ne pas entamer de procédure. Mais quand vous devez emprunter plus tard pour pouvoir prendre un nouveau départ, je peux vous assurer que la frustration est énorme. Un bon conseil: informez-vous bien et mettez tout par écrit ! »

Jeanine L., Kapellen

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