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Retour au travail après une maladie de longue durée

La nouvelle procédure de réintégration des travailleurs malades de longue durée est d’application depuis le début de l’année. Voici comment cela se passe désormais et quels sont vos droits.

Selon l’Inami, le nombre de malades de longue durée a augmenté de presque 70 % en l’espace de dix ans. Fin 2016, près de 392.000 personnes étaient indisponibles au travail pour une longue durée. La ministre des Affaires Sociales et de la Santé Publique, Maggie De Block, a donc pris l’initiative de promouvoir la réintégration des employés malades au travail. Il n’est plus question d’intégration volontaire puisque les travailleurs qui refusent de coopérer risquent une sanction. Cela vaut également pour les employeurs qui ne font pas assez d’efforts pour inciter les malades de longue durée à reprendre le travail.

Encourager les malades de longue durée à remettre le pied à l’étrier est un sujet sensible. Pour certains malades, les nouvelles mesures créent la possibilité de réintégrer le monde du travail – éventuellement par le biais d’un travail adapté – et d’obtenir satisfaction, considération (et une rémunération plus conséquente). D’autres y voient plutôt une punition et se considèrent comme les victimes de la énième mesure d’économie du gouvernement.

Une loi appliquée en 2 temps

La nouvelle loi sur la réintégration est censée faciliter le retour à un travail provisoirement ou définitivement adapté, voire à une autre fonction. Elle entre en vigueur en deux temps. Depuis le 1er janvier 2017, elle s’applique aux travailleurs déclarés inaptes au travail au plus tôt le 1er janvier 2016. À partir du 1er janvier 2018, elle s’appliquera également aux travailleurs tombés malades avant cette date. La loi vise les malades sous contrat de travail et à la recherche d’un emploi. Elle ne s’applique pas aux personnes inaptes au travail du fait d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle.

Le travailleur malade. 3 étapes

Avant la signature du plan de réintégration, le parcours se déroule généralement en trois étapes.

1ère ETAPE. Le médecin-conseil de votre mutualité évalue votre aptitude à reprendre le travail sur base d’un questionnaire et vous classe dans une des quatre catégories (voir plus loin).

2e ETAPE. Selon la catégorie dans laquelle vous avez été classé, le médecin-conseil peut vous aiguiller vers le médecin du travail de votre entreprise. Cinq options s’offrent à lui (voir plus loin).

3e ETAPE. Une des possibilités consiste pour le médecin du travail à fixer les modalités de réintégration. Vous décidez alors d’un plan de réintégration avec votre employeur.

Mais les choses peuvent aussi se passer différemment :

Vous pouvez vous aussi prendre l’initiative de contacter le médecin du travail, pour obtenir une consultation informelle ou introduire une requête de début de procédure de réintégration. Un rendez-vous doit être fixé dans les 10 jours ouvrables.

Votre médecin traitant (généraliste ou spécialiste) peut également demander votre réintégration avec votre accord. Il vous envoie d’abord chez le médecin du travail qui, à son tour, en informe votre employeur et le médecin-conseil.

Votre employeur peut lui aussi prendre l’initiative d’organiser votre éventuelle réintégration (voir plus loin) et vous orienter vers le médecin du travail, ce qui n’était pas possible auparavant.

Le médecin-conseil : 4 options

Après déclaration de la maladie à la mutuelle, vous recevez un questionnaire dans lequel vous évaluez la probabilité de reprendre le travail, les facteurs susceptibles d’entraver votre réintégration et ceux susceptibles de la faciliter. Sur cette base, le médecin-conseil de la mutualité évalue les possibilités de réintégration dans les 2 mois suivant la déclaration d’incapacité de travail. Si vous avez un contrat de travail, le médecin-conseil vous classe dans une de ces catégories :

1. Il considère que vous êtes en mesure reprendre spontanément votre travail initial au bout de six mois. Si vous ne reprenez pas spontanément le travail, il vous aiguille vers le médecin du travail pour vous réintégrer à l’entreprise.

2. Une reprise du travail est impossible pour raisons médicales. Vous continuez à percevoir une indemnité de la mutualité tant que votre incapacité est estimée à 66 %.

3. Une reprise du travail n’est pas possible pour le moment car un diagnostic médical ou un traitement médical s’impose. Le médecin-conseil réévalue votre état médical tous les 2 mois.

4. Une reprise du travail semble possible moyennant un travail adapté ou une autre activité. Si le médecin-conseil vous classe dans la 4e catégorie, il vous oriente vers le médecin du travail de votre entreprise. Si vous étiez demandeur d’emploi, vous devez déclarer votre maladie à la mutualité dans les 48 h pour percevoir, dès le premier jour de maladie, une indemnité maladie au lieu de l’indemnité de chômage. Votre mutualité vous envoie peu après un questionnaire sur base duquel le médecin-conseil vous classe dans une des quatre catégories précitées et établit un plan de réintégration en accord avec l’Onem qui peut prévoir un encadrement adapté en concertation avec ses partenaires.

Le médecin du travail, 5 décisions possibles

1. Le médecin du travail peut décider qu’à terme, vous êtes en mesure de reprendre le travail convenu mais que, dans l’intervalle, vous pouvez exercer un travail adapté ou une autre activité. Le médecin du travail décrit les modalités du travail adapté. Votre employeur et vous pouvez refuser. Dans ce cas, votre dossier retourne chez le médecin-conseil de votre mutualité qui peut redéfinir un plan de réintégration, comme il le fait pour les demandeurs d’emploi. Il vous faudra alors trouver un nouvel employeur capable de vous proposer un emploi adapté ou une autre activité.

2. Il peut décider qu’à terme, vous êtes capable de reprendre le travail convenu mais que, dans l’intervalle, vous ne pouvez pas exercer un travail adapté ou une autre activité. Il convient alors avec vous d’une nouvelle date d’évaluation et en informe le médecin-conseil.

3. Il peut décider que vous êtes définitivement inapte à effectuer le travail convenu mais que vous êtes en mesure d’exercer un travail adapté/une autre activité au sein de l’entreprise. Le médecin du travail décrit les modalités du travail adapté. Ceci dit, vous pouvez introduire un recours contre l’incapacité définitive auprès du médecin chargé du Contrôle du Bien-être au travail.

4. Il peut décider que vous êtes définitivement inapte à effectuer le travail convenu mais également tout autre travail adapté ou autre activité chez votre employeur. Vous risquez alors d’être licencié pour force majeure médicale. Dans ce cas, vous recevez une indemnité maladie ou chômage mais pas d’indemnité de préavis puisqu’il s’agit d’un cas de force majeure. Vous pouvez introduire un recours contre cette décision d’incapacité définitive dans les 7 jours ouvrables, par courrier recommandé adressé au médecin chargé du Contrôle du Bien-être au travail. Celui-ci examine votre situation avec votre médecin traitant et le médecin du travail. Si votre aptitude au travail est avérée, le médecin du travail doit revoir son évaluation de réintégration. Vous ne pouvez cependant introduire un recours qu’une seule fois. Si le médecin du travail confirme votre incapacité, il n’y a plus d’appel possible.

5. Il peut décider qu’il n’est pas opportun d’initier un parcours de réintégration pour des raisons médicales. Le médecin du travail ne peut prendre pareille décision que si vous, votre médecin traitant ou votre employeur (voir plus loin) demandez votre réintégration. Une réévaluation doit alors avoir lieu tous les deux mois. Le médecin-conseil en est avisé.

BON À SAVOIR. La nouvelle procédure prévoit une concertation avec le médecin du travail et les autres acteurs concernés, y compris avec votre médecin traitant. Le médecin du travail constitue ensuite un dossier et prend une décision.

Le plan de réintégration

Votre employeur doit proposer un plan de réintégration dans les 55 jours sur base de la proposition du médecin du travail. Ce plan détaille les adaptations à apporter au travail (volume, horaire, etc.), les formations qui devront éventuellement être suivies et la durée du plan. Vous disposez de 5 jours ouvrables pour accepter ou refuser le plan. Vous êtes tenu de motiver votre refus par écrit. Cette procédure chez votre employeur est unique. Si aucune solution ne peut être trouvée, le médecin-conseil réexamine votre dossier et définit un plan de réintégration, comme pour les demandeurs d’emploi malades.

Votre employeur prend l’initiative : sauf-conduit pour le licenciement ?

Après 4 mois d’incapacité de travail, votre employeur peut demander au médecin du travail de vous convoquer en vue d’une procédure de réintégration. En 2017, ce n’est possible que pour les travailleurs tombés malades après le 1/1/16. À partir de 2018, ce sera également possible pour ceux dont la maladie a débuté avant le 1/1/16.

Dans ce type de procédure, un licenciement pour force majeure médicale reste possible à condition d’avoir déjà effectué le parcours de réintégration, y compris la procédure d’appel. Le médecin du travail doit d’abord évaluer si vous êtes en mesure d’exercer un travail adapté ou une autre activité. Si vous êtes déclaré définitivement inapte à exercer le travail convenu, cela peut aboutir au licenciement pour force majeure médicale. Dans ce cas, vous ne touchez pas d’indemnité de préavis. Si vous pensez que votre employeur cherche à vous licencier, vous pouvez adresser une lettre recommandée au médecin du travail dans laquelle vous expliquez que vous ne pouvez donner suite à sa convocation pour raisons médicales mais que vous êtes disposé à le faire ultérieurement. Puisque votre incapacité de travail est toujours évaluée à 66 %, vous continuez à percevoir une indemnité.

Il n’est pas clair si le fait de refuser un entretien avec le médecin de travail est passible de sanction ou non. Mieux vaut donc demander conseil à votre syndicat ou à un spécialiste du droit de travail.

Si vous répondez à la convocation du médecin du travail, celui-ci peut prendre une des cinq décisions décrites plus haut. Le médecin du travail peut donc par exemple décider que votre réintégration n’est pas opportune pour des raisons médicales.

BON À SAVOIR. Ce n’est pas parce que votre employeur prend l’initiative d’organiser un parcours de réintégration qu’il a accès à votre dossier médical.

5 lecteurs posent leur question

1. Quel est le rôle de chaque médecin ?

Si vous êtes malade plus d’un mois – le délai est moins long pour les ouvriers -, vous avez affaire à plusieurs médecins.

  • Votre médecin traitant (généraliste ou spécialiste).
  • Le médecin-conseil de la mutualité. Il évalue votre incapacité médicale et votre droit à une indemnité maladie. Il est le seul à pouvoir décider si votre incapacité atteint 66 % ou non.
  • Le médecin du travail de l’entreprise pour laquelle vous travaillez, qui évalue avec vous un possible plan de réintégration. Désigné par l’employeur, il intervient toutefois en toute indépendance (et de l’employeur et de l’employé) et formule des propositions de nature à faciliter la reprise du travail.
  • Le médecin de contrôle : il est chargé par votre employeur, qui en fait la demande lorsque vous tombez malade, de contrôler si vous êtes effectivement incapable de travailler, généralement au début du congé de maladie. Ce ne peut en aucun cas être le médecin du travail.
  • Le médecin chargé du Contrôle du Bien-être au travail se prononce sur votre incapacité définitive si vous introduisez un recours contre la décision du médecin du travail.

2. Qu’entend-t-on par travail adapté ?

Vos tâches habituelles peuvent être adaptées, voire remplacées par d’autres. Le changement peut aussi concerner les horaires, le lieu de travail, le département ou l’équipe, les collègues, le mobilier ou l’équipement de travail.

3. Quid si vous reprenez le travail à temps partiel ?

Depuis le 1er juillet 2017, le système de travail autorisé est également réformé. Il permet – sous certaines conditions – de combiner indemnité maladie et salaire en cas de reprise du travail à temps partiel. L’indemnité est désormais calculée en fonction non plus du salaire mais du nombre d’heures prestées, une mesure nettement plus favorable au travailleur.

Si vous travaillez 20 %, votre indemnité est maintenue intégralement. L’indemnité diminue ensuite au prorata de chaque heure supplémentaire prestée. Si vous travaillez 40 % par exemple, votre indemnité est rabotée à 80 %. Si vous travaillez 60 %, elle est réduite à 60 %. Ce système de mise au travail progressive peut être repris dans le nouveau plan de réintégration, moyennant l’approbation du médecin-conseil.

4. Pouvez-vous être sanctionné ?

Le gouvernement prévoit des sanctions si l’employé, voire l’employeur, ne collabore pas au parcours de réintégration. Les sanctions ne sont pas encore coulées dans la nouvelle réglementation mais cela ne saurait tarder.

  • Une entreprise qui ne fait pas assez d’efforts pour faciliter le retour d’un travailleur se verra probablement infliger une amende de 800€. Si l’employeur arrive à motiver pourquoi il est dans l’incapacité de proposer un travail adapté, il ne sera pas sanctionné. Cette réglementation ne s’applique pas aux PME de moins de 50 collaborateurs.
  • Si, en tant que travailleur, vous ne respectez pas vos obligations administratives – si vous omettez de remplir le questionnaire par exemple -, votre indemnité sera réduite de 5 % pendant un mois. Si vous ne donnez pas suite au rappel du médecin du travail, vous perdrez 10 % d’indemnité pendant un mois.

5. Les (anciennes) conditions de travail restent-elles valables ?

Si un travail adapté ou une autre activité peuvent vous être proposés, le contrat de travail initial est maintenu, ainsi que tous les avantages acquis : ancienneté, avantages complémentaires, ...

Si votre contrat pour le travail adapté est malgré tout rompu, l’indemnité de préavis est calculée sur base du salaire que vous touchiez conformément au contrat de travail initial. À supposer que vous tombiez à nouveau malade, votre employeur n’est pas tenu de payer le salaire garanti mais vous percevez directement une indemnité maladie. La nouvelle réglementation ne s’applique pas en cas d’accident de travail ou de maladie professionnelle.

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