© PHOTOS: SABENA CURATELLE

Sabena, glamour dans les airs

Dans les années 50, seuls les privilégiés voyageaient en avion. Les hôtesses de l’air faisaient rêver et les passagers s’habillaient chic ! Aujourd’hui, on prend l’avion presque comme on prendrait le bus... Le glamour n’est plus qu’un souvenir que celèbre une expo.

 » Les années 50 et 60 sont les années de gloire de l’aviation civile, raconte Kristien Van Damme, qui a mené des recherches pour l’expo  » Sabena.Voyager glamour « , présentée en ce moment à l’Atomium. A l’époque, l’avion était réservé aux privilégiés car cela coûtait très cher. On ne croisait presque que des hommes d’affaires ou des coloniaux dans les aéroports. Jusqu’en 1952, année de création de la classe économique, il n’existait même qu’une seule classe dans les avions. « 

La première démocratisation date des années 70, avec l’apparition du Boeing 747, le fameux Jumbo Jet. Celui-ci pouvait transporter deux fois et demi plus de passagers que ses prédécesseurs. C’est à cette époque que les compagnies charter se sont développées. « C’est le début du tourisme de masse. Davantage de sièges dans l’avion, moins de place pour les jambes... », poursuit la chercheuse.

Mais comme prendre l’avion coûte encore fort cher à cette époque, seule une classe moyenne aisée peut s’offrir ce luxe. L’aéroport faisait rêver de contrées lointaines pas encore accessibles à tout le monde. Et l’équipage contribuait à cette image d’exclusivité. Toutes les têtes se tournaient quand l’équipage se dirigeait vers l’appareil dans son superbe uniforme. Ce n’est donc pas un hasard si, à l’époque, la chanson L’Hôtesse de l’air de Jacques Dutronc connaît un énorme succès et si toutes les petites filles rêvent d’exercer ce métier. Cela durera jusqu’au début des années 2000, date à laquelle les compagnies low cost s’approprient une bonne part du marché, avec des billets d’avion presque moins chers que des places de parking.

Le prestige de la Sabena

C’est à cette époque, en 2001, il y a quinze ans, que la Sabena a été déclarée en faillite. Créée en 1923, la compagnie belge était une société dont le rayonnement reposait sur cette image de prestige. Des couturiers aussi connus que Louis Féraud ou Olivier Strelli avaient dessiné les uniformes des équipages. Un repas chaud était servi sur tous les vols d’une durée minimum d’une heure et demie. On se sentait important quand on prenait place dans un tel appareil. Mais cela avait un prix. En 2001, la Sabena facturait un vol Bruxelles-Nice 400 ? minimum. Aujourd’hui, la même destination peut coûter jusqu’à 10 fois moins cher.

Hôtesse et infirmière (1946).
Hôtesse et infirmière (1946).© SABENA CURATELLE

Les hôtesses comme ambassadrices

De 1980 à 2001, Philippe Goris était chef de cabine à la Sabena. Il gère maintenant les archives de la curatelle de la compagnie au Musée d’Art et d’Histoire.  » Cette image de prestige était principalement véhiculée par les hôtesses « , raconte-t-il. Les compagnies low cost, elles, misent surtout sur le prix. Pendant ces années glorieuses, la Sabena présentait des hôtesses très souriantes sur ses affiches. Elles avaient aussi pour rôle de rassurer les voyageurs et leur faire comprendre qu’ils étaient en de bonnes mains. L’aéroport fonctionnait, lui aussi, avec des  » Mademoiselles Sabena « . Ce titre était donné aux hôtesses d’accueil polyglottes qui guidaient et accompagnaient les passagers dans l’aéroport.  » Les hôtesses devaient personnifier la femme idéale et/ou dégager quelque chose de maternel et de rassurant, poursuit Christine Van Damme. Les premières hôtesses avaient de plus une formation d’infirmière et une boîte de premier secours pour sécuriser les passagers. Les hôtesses apparaissaient souvent en photos avec un enfant. Les petits soins apportés aux enfants comptaient beaucoup à l’époque pour la réputation d’une compagnie aérienne. « 

Un dress code strict

 » Quand j’ai suivi ma formation de steward en 1979, on attachait beaucoup d’importance à la classe du personnel, se souvient Philippe Goris. On nous apprenait par exemple à tenir une conversation d’un certain niveau avec les passagers. Particulièrement en classe business. Il y avait en effet peu de distractions à l’époque pendant le vol. De nos jours, je ne crois pas qu’on nous solliciterait encore beaucoup pour faire la conversation. On nous apprenait aussi à avoir une présentation parfaite. Les hôtesses recevaient même un cours de maquillage...

Aucun faux-pli n’était toléré dans notre tenue et porter un gilet nous était formellement interdit. Seuls le veston ou la chemise étaient autorisés. Vous ne portez pas un uniforme pour être en uniforme mais pour qu’on puisse vous repérer, nous répétaiton inlassablement. « 

Lorsqu’on regarde des photos des années 60 ou 70, on constate que les passagers soignaient également leur mise pour prendre l’avion. Personne n’arrivait à l’aéroport en tongs, par exemple.  » En ce qui nous concerne, on attendait de nous que nous adoptions un code vestimentaire strict quand nous voyagions avec la Sabena, même lors de déplacements privés, souligne encore Philippe Goris. Ce fut ainsi jusqu’en 2001. « 

Service repas à bord d'un Boeing 707 (1958).
Service repas à bord d’un Boeing 707 (1958).© SABENA CURATELLE

Homard et pièce montée...

 » A l’époque, toutes les compagnies aériennes pratiquaient des prix élevés. Il fallait se distinguer par la qualité du service et l’image, poursuit l’ancien sabenien. Je me souviens que, déjà sur un vol pour Paris en classe économique – d’une durée de moins d’une heureles passagers recevaient un croissant chaud et une tasse de café. En première classe, on présentait même des pièces montées avec du homard. Dans les années 80, la première classe a été supprimée et remplacée par une formule un peu plus sobre : la classe business. L’espace alloué à celle-ci a été raboté régulièrement, histoire de libérer de la place pour vendre davantage de sièges économiques. Actuellement, une place d’avion n’est plus qu’un siège. Seul le prix compte. « 

L’envol du low cost

A la fin des années 90, le modèle économique de l’aviation a été profondément secoué par l’arrivée des compagnies aériennes à bas prix. D’abord circonscrites aux aéroports régionaux, celles-ci ont pris de plus en plus d’envergure. Leur philosophie : miser sur le vol sans service et écraser les prix. Le passager ne paie que son transport. Il veut emmener des bagages ? Il veut manger à bord ? Pas de souci, mais il faut payer un supplément ! Sous la pression des casseurs de prix comme Ryanair ou Easyjet, les compagnies classiques ont été contraintes d’adapter leurs prix et donc, de réduire le confort et le service.

Le gros avantage c’est que prendre l’avion devenait accessible à tout le monde. Découvrir le monde était soudainement possible pour les jeunes.  » Dix ans plus tôt, un city-trip à Rome était un événement exceptionnel, se souvient l’ancien steward. Alors que maintenant, un voyage aller et retour de 4 jours à New-York est devenu banal. Mais l’avion a perdu un peu de son charme. On le prend désormais comme on prendrait le bus... »

Mademoiselle Sabena dans le hall de transit (1960).
Mademoiselle Sabena dans le hall de transit (1960).© SABENA CURATELLE

Retour vers le confort

 » Nous souhaitons refaire des vols des moments d’exception, affirme Kim Daenen, l’attachée de presse de Brussels Airlines, la compagnie qui a succédé à la Sabena. Bien sûr, on ne peut pas faire marche arrière; tout a évolué de manière spectaculaire. On voyage davantage et plus facilement. Le développement des compagnies low cost, particulièrement actives ces dix dernières années, a généré un bouleversement irréversible. Elles détiennent 44% du marché en Belgique. Le billet d’avion est parfois moins cher que le ticket de parking. La contrepartie, c’est que le transport ne fait plus partie des vacances. Au contraire, c’est une étape inconfortable et plutôt ennuyeuse émaillée de contrôles de sécurité. Sur base ce constat, nous revoyons notre positionnement depuis deux ans. Parce que les passagers apprécient toujours la qualité d’un service et que le vol qui vous amène à votre destination doit déjà avoir un air de vacances. Nous mettons l’accent sur l’amabilité des équipages et la qualité du service. Nous utilisons consciemment le terme d’hôtes ou d’invités plutôt que celui de clients. Dans nos récents spots publicitaires, nous essayons de faire passer le message que les vacances commencent déjà dans l’avion.

Nous servons un repas sur tous les vols de plus de deux heures et nous proposons 4 classes et tarifs différents, ce qui permet au client de choisir le niveau de service pour lequel il paie. Nous attachons aussi beaucoup d’importance à l’image que dégage la compagnie. Si l’équipage ne doit plus apprendre à faire la conversation, et s’il est désormais interdit d’engager du personnel sur base de son physique, nous avons un  » grooming guide  » (responsable des tenues) qui vérifie que les uniformes sont impeccables et tombent parfaitement sur chacun. Nous sommes très sensibles à une bonne présentation, dictée par une bonne éducation. Les uniformes actuels sont de la marque Xandres. Nous trouvons important de travailler avec des entreprises belges.

Nous ne pouvons bien sûr pas remonter le temps et sommes donc obligés d’offrir des tarifs concurrentiels. Mais la digitalisation ainsi que les prix actuellement bas du carburant le permettent. Notre approche fonctionne. En 2015, le nombre de nos passagers a connu une hausse de 13% et nous avons enregistré des bénéfices records. Ryanair aussi d’ailleurs. Malgré la menace terroriste, le nombre de voyageurs est en augmentation. Nous voyageons tous davantage. Parfois à petit prix, parfois en nous montrant plus exigeants, selon nos envies et le type de voyage. « 

Le tarmac dans les années 60.
Le tarmac dans les années 60.© SABENA CURATELLE

Expo: Les belles années de la Sabena à l’Atomium

Sabena, glamour dans les airs
© PHOTOS: SABENA CURATELLE

Les années glorieuses de la Sabena reviennent à la vie à l’Atomium, où se déroule l’exposition « Sabena.Voyager glamour ». En la visitant, on se retrouve plongé au coeur des années 50 et 60, dans la peau d’un voyageur de l’époque, qui fait son check-in dans le hall des départs. Ensuite, on réalise tout son parcours jusqu’à l’atterrissage. En croisant en route des maquettes d’avions, des brochures, beaucoup de photos, des mannequins portant les uniformes de l’époque. On découvre aussi les premiers avions, datant de 1923, avec leurs sièges en rotin... Les pièces et documents exposés proviennent de collectionneurs et de la bibliothèque du Musée de l’Armée.

« Sabena. Voyager glamour » : du 24/11/16 au 10/9/17 à l’Atomium, Bruxelles, du lundi au dimanche de 10 à 18 h. (12€), www.atomium.be

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