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Le jeûne, une nouvelle voie thérapeutique?

Le jeûne serait-il en passe de devenir un remède aux maux d’une époque qui se perd dans l’excès ? Il a en tout cas retrouvé ses marques de noblesse sous la forme de « jeûne thérapeutique ». Nombreux sont ceux qui vantent ses vertus préventives, même curatives !

Notre alimentation, surabondante et toxique à certains égards, aurait-elle une responsabilité dans l’explosion de certaines maladies chroniques (comme le diabète de type 2, l’hypertension, l’hypercholestérolémie...), ainsi que des cancers ? Il faut bien l’admettre : la prodigalité alimentaire présente en toutes saisons dans les pays riches est une situation inédite sur le plan historique et pour notre système génétique. Selon de nombreux spécialistes, notre organisme serait plutôt programmé pour des périodes de disette, simplement parce qu’il a dû s’adapter au manque pour survivre au cours de son évolution. De là à dire qu’il est normal que notre corps rencontre des problèmes parce qu’il est alimenté en permanence ? Pourquoi pas !

Dangereux ou curatif ?

En Russie, en Allemagne et aux Etats-Unis, des médecins et biologistes observent, depuis une cinquantaine d’années, dans leur pratique quotidienne, certains effets positifs du jeûne.

Chez nous, le Dr Thierry Schmitz, naturopathe et directeur pédagogique de l’Institut européen de médecine naturelle (IEMN) croit dur comme fer aux vertus thérapeutiques du jeûne. « Ce n’est pas dangereux, à condition de ne pas faire n’importe quoi. C’est comme conduire une voiture : il faut le faire intelligemment et normalement. »

Le jeûne, une nouvelle voie thérapeutique?
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Disons-le tout de suite : pratiquer le jeûne en vue de perdre du poids ne semble pas être une bonne initiative. « Cela ouvre la voie à l’effet yoyo : une perte pondérale brutale, suivie d’une reprise rapide et plus importante, explique le Dr Schmitz. On peut comparer le jeûne au grand nettoyage de printemps qu’on fait dans sa maison. Les toxiques étant de plus en plus nombreux dans l’environnement et notre alimentation, surtout si on ne mange pas bio, ce grand nettoyage est vraiment important ! »

Les observations faites sur les patients montrent que le jeûne stimulerait les forces curatives de l’organisme, en provoquant, entre autres, un bouleversement hormonal et neuroendocrinien. On constate pendant le jeûne une épuration du sang avec une diminution du taux de sucre, d’insuline et de cholestérol, ce qui donnerait de très bons résultats sur le diabète de type 2, l’obésité, l’hypertension, l’hypercholestérolémie et préviendrait par conséquent les maladies cardiaques et vasculaires.

Pratiquer le jeûne pour perdre du poids ouvre la porte à l’effet yoyo !

Le jeûne soignerait également les maladies chroniques inflammatoires et rhumatismales, les allergies, les migraines, l’asthme et la fibromyalgie.

Une régulation de l’humeur a en outre été observée, ainsi qu’une diminution des angoisses, de l’épuisement physique et psychique. L’absence de sel permet d’éliminer une grande quantité d’eau. La régénération des cellules et de la flore intestinale serait meilleure. La dépense d’énergie de l’organisme devient progressivement plus faible avec comme corollaire un ralentissement de la respiration et du rythme cardiaque, ainsi qu’une diminution de la pression artérielle. Le système digestif est, bien évidemment, également mis au repos.

Le corps se nourrit de l’intérieur

Lorsque le corps est privé de nourriture, le bouleversement hormonal dont nous avons parlé enclenche un mécanisme qui permet à l’organisme de passer du mode d’alimentation extérieure au mode d’alimentation intérieure, puisant ainsi dans ses réserves.

Autant le savoir, les trois premiers jours de jeûne sont difficiles à passer. « La personne qui fait la diète n’est pas très bien car elle a faim et son organisme se désintoxique », explique le Dr Thierry Schmitz. Dans les premières 24 heures, le corps épuise ses réserves de glucose. Ensuite, l’organisme mobilise son stock de graisse qui devient la nourriture essentielle pendant le jeûne. « Le corps étant une machine très intelligente, il puise dans ses réserves les moins nobles, à savoir la graisse. En général, les gens font de la graisse à partir du sucre qu’ils mangent. Dans le cas du jeûne, l’organisme fabrique des sucres à partir de la graisse. »

Aux alentours du troisième jour, survient ce qu’on appelle la crise d’acidose qui annonce le début de l’élimination des toxines accumulées, notamment dans la graisse. « Lorsque l’organisme consomme sa graisse, les toxines qui y sont stockées, sortent. Cette désintoxication est accompagnée de symptômes tels que des nausées, des migraines, de la transpiration, parfois des diarrhées... ».

Ces deux ou trois jours d’adaptation passés, le corps, qui a basculé vers un mode d’alimentation intérieure, trouve un nouvel équilibre. « Une sensation de légèreté, de clarté d’esprit, d’énergie renouvelée apparaît, les sens s’aiguisent, l’euphorie s’installe. »

Le corps étant une machine très intelligente, il puise dans ses réserves les moins nobles, à savoir la graisse.

Les classiques

Le jeûne, une nouvelle voie thérapeutique?
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Si on ne mange rien pendant un jeûne, il est par contre impératif d’absorber du liquide. Grosso modo, il existe trois types de jeûnes : celui qui est accompagné d’eau exclusivement. Il peut durer jusqu’à trois semaines et permet de bien éliminer les toxines. Ensuite, le jeûne appelé « méthode Buchinger », du nom de son auteur allemand, Otto Buchinger (1878-1966), qui a popularisé le jeûne thérapeutique en Europe de l’Ouest. Il s’agit, en fait, d’un programme qui incorpore, à côté de l’eau, des bouillons de légumes, des jus de fruits, des tisanes, et accorde une grande place à la gymnastique, aux randonnées, à la méditation, à l’homéopathie... Ce jeûne se fait dans des cliniques spécialisées. A côté de ces deux grands classiques, il existe également le jeûne intermittent pendant lequel on alterne des périodes d’alimentation et de jeûne pouvant aller de 12 à 24 heures.

Combien de temps ?

Pour les novices, il vaut mieux commencer par un jeûne de 24 heures et en allonger progressivement la durée. Ensuite, « comme dans une maison, le nettoyage sera plus ou moins conséquent selon le degré de propreté et de chaos qui y règne, illustre Thierry Schmitz. Si votre alimentation n’est pas saine, il peut être intéressant de faire un jeûne suffisamment long pour bien se nettoyer et se purifier. » Un jeûne à l’eau ou au jus ? « Ce sont deux types de liquide tout à fait différents, souligne le naturopathe. L’eau contient peu de minéraux. À l’inverse, avec les jus de fruit et de légumes, on évite les carences en certains minéraux importants pour l’organisme, entre autres le potassium, nécessaire au coeur. »

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Très peu pour les médecins !

Nombre de médecins s’opposent au jeûne, certains allant jusqu’à le qualifier d’hérésie ou de pratique de charlatan. Parce qu’ils ont du mal à concevoir que la suppression de nourriture puisse rendre un organisme plus fort. Selon eux, le jeûne créerait du stress pour l’organisme et, du coup, le fragiliserait. Ils préfèrent donc privilégier le bon sens alimentaire, la constance et l’équilibre.

Mais l’argument incontournable, selon eux, est l’absence d’études réalisées en la matière. « Le jeûne étant populairement établi depuis des milliers d’années et utilisé comme pratique de purification, on pourrait supposer qu’il est bon pour la santé, explique le Pr Nicolas Paquot, chef du service de diabétologie-nutrition au CHU Sart-Tilman (ULg) à Liège. C’est possible, mais d’un point de vue scientifique, nous disposons de trop peu d’éléments pour tirer une telle conclusion. En théorie, certains aspects du jeûne présentent de l’intérêt notamment en favorisant un phénomène physiologique favorable, appelé autophagie. D’autres pratiques pouvant au contraire se révéler néfastes, il faut être très prudent. Ceci dit, la restriction calorique pourrait favoriser une durée de vie plus longue, comme c’est le cas sur l’île japonaise d’Okinawa où les habitants consomment 30% de calories en moins que leurs besoins et qui compte trois fois plus de centenaires qu’ailleurs. »

Précautions et contre-indications

« Pas question de se lancer dans un jeûne sans demander conseil à un médecin qui en connaît un bon bout sur la question ! », prévient le Dr Schmitz. Par ailleurs, un bilan de santé doit être réalisé avant d’envisager un jeûne relativement prolongé, lequel doit être pratiqué sous surveillance médicale. Ces précautions ne sont par contre pas nécessaires si le jeûne dure une seule journée. »

La vigilance est d’autant plus importante chez une personne qui connaît des problèmes de santé. « Elle doit demander conseil à un thérapeute qualifié et voir s’il est raisonnable ou pas de jeûner, recommande le Dr Schmitz. Je pense en particulier aux personnes cardiaques qui, lors d’un jeûne, pourraient se retrouver en manque de potassium, ce qui est dangereux pour le coeur. Il va de soi qu’une femme enceinte ou qui allaite peut jeûner à un moment plus opportun de sa vie... ». Notons également que des problèmes rénaux et hépatiques ne sont pas compatibles avec la pratique jeûne.

Préparation nécessaire

Pour bien préparer son métabolisme à la privation de nourriture, environ cinq jours avant le jour J, il est recommandé d’arrêter le tabac, l’alcool et les excitants, de commencer à réduire les quantités de nourriture et de supprimer progressivement les aliments, en commençant par ceux qui demandent un travail digestif important. La veille, on conseille de consommer uniquement des fruits et des légumes, et de boire beaucoup. La reprise alimentaire s’effectue également par paliers en réintroduisant progressivement les aliments : d’abord les fruits et les légumes, ensuite les céréales, pour terminer par les protéines animales.

Et après ? Un esprit épuré et serein dans un corps purifié et en meilleure santé, ce qui encouragerait les adeptes du jeûne à avoir un mode de vie de plus en plus sain...

Par Colette Barbier

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