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Les robots, des assistants très particuliers

Julie Luong

Ce n’est plus une fiction. Les robots humanoïdes font aujourd’hui leur entrée dans notre quotidien. Hôpitaux, maisons de retraite ou domicile : que peut-on vraiment espérer d’eux ?

Ils mesurent 58cm. Uniforme bleu et blanc. Toujours de bonne humeur. Sirius, Pollux et Vega se ressemblent comme trois gouttes d’eau et ont pris leurs quartiers dans les services du CHR de la Citadelle à Liège depuis 2015, en revalidation, pédiatrie et gériatrie. Ils seront bientôt rejoints par leur grand frère Pepper, qui officiera dans le hall d’accueil pour orienter les visiteurs et les guider dans le dédale des couloirs. En attendant, les trois petits robots humanoïdes sont surtout actifs du côté de la kinésithérapie. Programmés pour montrer les exercices à reproduire, ils laissent les mains libres au kinésithérapeute qui peut ainsi corriger les patients au fur et à mesure et améliorer la dynamique de groupe. Bien sûr, certains demeurent perplexes face à ces drôles de joujoux qui ont chacun coûté la bagatelle de 15.000 ?. Et il se murmure dans les couloirs que « programmer » ces individus n’est pas une sinécure...

Bernard Ars, professeur à l’Université de Namur et spécialiste en bioéthique, pense cependant qu’il va falloir s’y faire ! « À ce jour, le robot est une aide dans la pratique médicale, essentiellement avec les enfants et les personnes âgées, sans doute parce qu’il s’agit des publics les plus fragiles. Il y a évidemment des dérives potentielles. Mais vouloir s’en passer, c’est comme vouloir vivre dans un autre monde ! Ces robots sont déjà très présents en Asie. Demain, ils vont se généraliser chez nous et se perfectionner. C’est précisément pour cela que nous devons accompagner leur émergence d’une réflexion éthique. »

Des robots en maisons de repos

Les robots, des assistants très particuliers
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Le CHR Citadelle n’est d’ailleurs pas le premier établissement à avoir cédé aux sirènes de ce séduisant assistant dont le modèle standard est baptisé Zora, soit l’acronyme de « Zorg Ouderen Revalidatie en Animatie » (« Soins, revalidation et animation pour les personnes âgées »). Présent dans de nombreux pays, Zora est une solution robotique développée il y a quel ques années par le Belge Fabrice Goffin.

« Au départ, j’étais consultant dans le milieu hôtelier. Un soir, alors que j’étais en voyage d’affaires au Qatar avec mon associé et meilleur ami, nous nous sommes lancés dans une de ces grandes discussions où on refait le monde devant quelques verres... Nous avons parlé de notre passion pour les films de « Star Wars » et pour le petit robot R2-D2. On s’est lancé le défi de concevoir nous aussi des robots ! Nous imaginions qu’ils pourraient jouer un rôle intéressant dans l’hôtellerie et nous avons investi toutes nos économies dans ce projet. Or, il s’est avéré que les hôtels n’étaient pas du tout intéressés. Personne ne nous répondait », explique-t-il.

C’est au moment où les deux comparses commencent à désespérer qu’ils reçoivent un coup de fil providentiel de l’hôpital universitaire de Gand. « Ils avaient entendu parler du projet et ils souhaitaient introduire Zora dans leur service de revalidation pour enfants. Nous n’aurions jamais pensé nous adresser au milieu médical, mais c’est le monde médical qui est venu à nous », se souvient Fabrice Goffin. Bientôt, ce sont les maisons de repos qui frappent à la porte. En France, l’EHPAD (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) Lasserre à Issy-les-Moulineaux, dans les Hauts-de-Seine, a été la première à introduire la mignonne créature auprès de ses résidents. Aujourd’hui, des centaines d’exemplaires de Zora circulent dans des hôpitaux et maisons de retraite en Europe, mais aussi en Australie, aux États-Unis et au Japon. Une nouvelle manière de tromper la solitude ?

« Aujourd’hui, le manque de personnel en maison de repos est criant. Et la solitude est, en effet, très grande. Certains résidents ne reçoivent qu’une visite par an... Alors bien sûr, le robot ne donne pas de chaleur humaine, mais les visages des résidents s’illuminent souvent à sa vue... Ce n’est pas rien. Quant au personnel, le robot le libère des tâches répétitives et lui laisse donc plus de temps pour le contact humain », argumente Fabrice Goffin.

Des échanges, mais pas d’affection !

Lire le journal, annoncer le menu du jour, proposer des jeux pour exercer sa mémoire ou présider aux séances de gymnastique : au sein d’une maison de repos, les robots peuvent assumer bien des tâches... pourvu qu’ils soient programmés à cet effet ! « Il est important que ces robots ne soient pas entièrement préprogrammés et que l’utilisateur puisse les personnaliser selon ses besoins. Il faut aussi être attentif à ce qu’ils ne deviennent pas des conseillers personnels. On pourrait en effet envisager qu’il y ait à l’intérieur de ces robots des programmes capables de nous manipuler, par exemple financièrement, surtout si nous sommes dans une situation de fragilité. Il faut aussi garder à l’esprit que le robot ne nous aimera jamais, même si nous nous attachons à lui ! », analyse Bernard Ars. Car voilà : avec leurs formes arrondies et leur bouille sympathique, Zora et ses comparses ont tout pour plaire. Au point d’en oublier qu’ils ne sont que des ordinateurs cachés dans une enveloppe pseudo-humaine ? « Ces « emotionnal robots » ont une grande capacité de mémorisation. Ils s’adaptent à nous, à nos réactions, à nos comportements. Avec le risque qu’on devienne dépendants d’eux... Nous pourrions en effet être tentés de voir en eux des ersatz d’êtres humains, le partenaire que la vie nous refuse. Or, nous devons comprendre que tous les échanges que nous avons avec un robot sont préprogrammés », poursuit le spécialiste en bioéthique. « La limite avec l’humain doit rester claire, admet Fabrice Goffin. C’est pourquoi ces robots sont volontairement dotés d’une voix robotique, afin de maintenir une frontière sans ambiguïtés. »

Demain, il est probable que ces robots débarquent dans nos maisons. Mieux vaut donc se préparer à ces nouveaux modes de relation. Les robots sont en effet pressentis comme une solution d’avenir pour les personnes en perte d’autonomie : ils pourraient prévenir les chutes, les accidents domestiques, nous rappeler de prendre nos médicaments et nous « tenir compagnie ». Les concepteurs de Zora s’apprêtent ainsi à mettre sur le marché un robot dénommé James, majordome futuriste capable de se connecter à l’ensemble de nos appareils domestiques (ordinateurs, tablettes, électroménager...). Le tout pour quelques centaines d’euros, docilité à toute épreuve garantie.

« Le robot est toujours d’accord avec nous et ne viendra donc jamais titiller ce sentiment de honte que nous pouvons avoir face à une autre personne. Les conséquences sur notre comportement pourraient être majeures. Nous pourrions finir par exiger des autres hommes qu’ils se comportent comme des robots, sans jamais nous remettre en question », avertit encore Bernard Ars. En attendant, vous pouvez compter sur James. Pour vous servir.

Autisme, Alzheimer, mobilité : à chaque problème son robot

NAO, contre l’autisme

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Doté d’un programme spécifique à destination des enfants autistes, Nao intervient comme médiateur entre l’équipe soignante et les enfants afin d’améliorer les compétences interpersonnelles et communicationnelles de ces derniers. Le robot aurait comme principale vertu de libérer les enfants autistes de l’angoisse que provoque chez eux la complexité et le caractère imprévisible des interactions sociales. Par son intermédiaire, les enfants peuvent s’exprimer sans crainte et développer leur empathie.

ROBEAR, contre l’invalidité

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Avec ses airs d’ours blanc et ses 140kg, Robear, développé par les chercheurs du laboratoire japonais Riken, est capable de soulever les patients, par exemple pour les déplacer d’un lit vers un fauteuil. Il permet ainsi de soulager le personnel soignant de cette tâche très physique. Doté de multiples capteurs sensoriels, Robear est particulièrement précis dans ses mouvements. Infaillible ? « N’oublions pas qu’en cas de problème avec le robot, c’est le concepteur et l’utilisateur qui restent responsables sur le plan juridique et éthique », rappelle Bernard Ars.

PARO, contre la maladie d’Alzheimer

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PARO est un petit phoque qui bouge la queue quand on le caresse. Il est notamment utilisé dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer. Des études ont en effet montré que le contact avec les animaux de compagnie était la seule intervention non médicamenteuse capable d’engendrer des résultats tangibles dans cette pathologie. Alors certes, PARO n’est pas un véritable animal. Mais dans une étude menée en Nouvelle-Zélande, la comparaison entre un vrai chien et le robot-phoque a montré que l’un et l’autre avaient un même effet bénéfique sur les patients... qui auraient même tendance à parler davantage au robot qu’au chien ! « PARO peut avoir comme effet positif de diminuer le stress et donc de limiter la consommation d’antidépresseurs et d’anxiolytiques. Mais nous devons garder à l’esprit que sous ses allures charmantes, il ne fait que simuler ! », estime Bernard Ars.

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