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Faire des cadeaux à Noël, une tradition inoxydable

Malgré nos bonnes résolutions de dépenser moins, c’est plus fort que nous : à l’approche de Noël, nous ne pouvons pas nous empêcher de vouloir faire plaisir à tout le monde. Tout simplement parce qu’un sapin sans cadeaux serait aussi triste qu’une table de fête sans bougies...

Chaque année, début décembre, c’est le même topo. Quand les guirlandes lumineuses commencent à clignoter, une question nous taraude : quels cadeaux vais-je bien pouvoir acheter ? Qu’on y mette le prix ou non, dresser la liste des cadeaux n’a rien d’une sinécure. Le budget doit être respecté, on doit se méfier des objets décoratifs (les goûts et les couleurs...) , tout en gardant intact l’effet de surprise.

Mi-décembre : il est grand temps d’arpenter les allées des grands magasins bondés et surchauffés, en tâchant de n’oublier personne... A ce stade, on ne supporte déjà plus les musiques de Noël.

Il ne faut pas non plus négliger le stress de l’ouverture des fameux paquets, le soir du réveillon. Qu’est-ce qu’on dit si on n’aime pas son cadeau ? Ou s’il coûte dix fois plus cher que celui qu’on a offert ? Vous trouvez que je suis une asociale doublée d’une activiste anti-cadeaux de Noël ? Pas du tout ! Que celui qui n’a jamais stressé à l’approche du marathon cadeaux de fin d’année me jette le premier... cadeau !

Le geste et l’intention

L’été, quand le ciel est bleu et le soleil au zénith, nous sommes capables d’envisager Noël de manière rationnelle. Nous jurons de dépenser moins et de ne pas nous laisser gagner par la frénésie ambiante. Un sondage mené auprès de 4.000 Belges l’été dernier, démontre que 20 % d’entre nous comptaient dépenser moins en 2012 et 2013 (chiffres Bexpertise). 5 % déclaraient même ne plus vouloir céder au rituel des cadeaux, en particulier parmi les 50 ans et plus.

 » Chaque année, on voit fleurir ce type d’enquête, analyse le psychologue et observateur de tendances Herman Konings. Et chaque fois, on assure qu’on va dépenser moins. Mais, après Noël, au moment de faire les comptes, on constate qu’on a battu un nouveau record. Je pense que plus qu’une rage d’offrir, il s’agit d’une forme de consolation à un moment de l’année où les journées sont très courtes et la lumière rare. Les illuminations de Noël nous donnent envie de participer au grand raout de fin d’année.

Nous ne sommes pas immunisés contre l’ambiance de Noël. Et il faut compter avec la pression sociale. Si tout le monde offre des cadeaux, comment ne pas le faire soi-même ? Il s’agit parfois de cadeaux nettement plus coûteux que ceux qu’on voudrait faire. Entre le geste et l’intention, il y a parfois un gouffre. « 

Un booster économique

Nos ancêtres offraient-ils déjà des cadeaux de Noël ?  » C’est une tradition relativement récente, qui date d’une centaine d’années, souligne Herman Konings. Elle nous vient des Etats-Unis. Le Père Noël tel que nous le connaissons est une création commerciale de la firme Coca Cola. Le secteur du détail tout entier nous pousse à faire des cadeaux, vu l’impact économique des fêtes de fin d’année sur le chiffre d’affaires. « 

 » Le fait de recevoir et de donner en retour pour entretenir le lien social est un phénomène ancien, nuance Dimitri Mortelmans, sociologue à l’Université d’Anvers. J’ignore à quand remonte précisément le rituel de Noël. Mais je pense qu’on peut le situer au XIXe siècle, moment où la famille s’est mise à prendre de l’importance. « 

Il semblerait qu’on dépense en moyenne 85 euro par personne. Un sacré budget !  » De plus en plus de familles optent pour le tirage au sort de cadeaux, assure Herman Konings. Chaque personne achète un cadeau et on organise une loterie. Cela permet de gagner du temps et de dépenser moins. On peut se permettre d’acheter un plus beau cadeau que s’il fallait en faire une dizaine. « 

Est-on réellement plus regardant, pour ne pas dire plus près de ses sous, après 50 ans ?  » J’en doute sérieusement, s’étonne Herman Konings. Les baby-boomers sont plutôt dépensiers. En revanche, après 65 ans, on a tendance à réduire ses achats. Il faut dire que cette génération, qui n’a pas forcément connu les trente glorieuses, a grandi avec l’idée qu’il fallait économiser. Ce sont aussi des ménages au sein desquels la femme travaillait plus rarement et ne disposait pas de son indépendance financière. « 

 » Je comprends cette attitude, renchérit Dimitri Mortelmans. Dans le climat économique actuel, avec le vieillissement de la population et les incertitudes pesant sur l’avenir, les gens s’inquiètent pour leur pension « .

Faire des cadeaux à Noël, une tradition inoxydable
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Et le plaisir dans tout cela ?

Environ 80 % d’entre nous aime faire la chasse aux cadeaux. Surtout les femmes. Près d’un tiers des sondés, en revanche, disent ne pas trop aimer en recevoir.  » C’est sans doute le cas quand le cadeau offert et le cadeau reçu ne sont pas de même valeur. Les attentes ne se rencontrent pas toujours « , avance Herman Konings.  » C’est vrai, confirme Dimitri Mortelmans. Tout est question d’équilibre entre ce qu’on offre et ce qu’on reçoit. Celui qui se voit offrir un présent se trouve socialement redevable. Il doit donc offrir un cadeau en retour, afin de rétablir l’équilibre. Mais toutes sortes de couacs peuvent survenir au cours de cet échange. On attend sans doute de vous que vous offriez un cadeau de valeur équivalente. Or c’est un élément parfois difficile à estimer, ce qui explique en bonne partie le stress qui accompagne cette tradition de fin d’année. « 

Pas facile non plus de dénicher le cadeau qui fera plaisir à une personne qui a déjà tout. Les Bongo et autres bons d’achat reviennent en grâce.  » Ceux qui dénigrent les bons à valoir le font plus par déclaration d’intention qu’autre chose. Certes, on rêve tous d’offrir le cadeau super original mais, en fin de compte, on se rabat souvent sur la solution du bon d’achat. Avec raison d’ailleurs : difficile de se tromper quand on offre un restaurant ou une nuitée d’hôtel.  » Les chiffres réels le prouvent : la vente de Bongo n’a que très peu diminué « , souligne Herman Konings.

Et l’argent liquide ?

Le cadeau le plus apprécié ? L’argent, tout simplement !  » C’est la solution zéro effort, réagit l’observateur de tendances. Mais cela vaut mieux que la paire de chaussettes ou l’écharpe.  » Les jeunes générations sont les plus avides d’argent liquide.  » C’est logique, car la vie est extrêmement chère pour un jeune couple avec enfants. D’un autre côté, les plus âgés ignorent en général de quoi ont besoin les jeunes ou ce qui leur fait vraiment plaisir. Une règle tacite veut, à l’inverse, que des jeunes n’offrent jamais d’argent à des personnes plus âgées, ce serait très mal perçu.  »  » L’argent évite à tous les coups de se tromper. En ce sens, c’est certainement une bonne solution, explique Dimitri Mortelmans. Mais cela reste très impersonnel . »

Quelles alternatives ?

De plus en plus de gens, surtout parmi les jeunes, remettent en cause la frénésie commerciale faite autour de Noël.  » Cette tendance

ne cesse prendre de l’ampleur, assure Herman Konings. Certains décident, au lieu de s’échanger des cadeaux, de mettre le budget en commun pour s’offrir en famille une petite escapade ou un achat collectif, utile à tout le monde. Mais, cela dit, il faut reconnaître que la tradition du cadeau est solidement ancrée en nous depuis l’enfance et garde donc tout son attrait. Personnellement, je crois qu’elle ne disparaîtra pas de sitôt. « 

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