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Faut-il opter pour le préfabriqué?

Longtemps synonyme de maisons standardisées, le préfabriqué revient sur le devant de la scène immobilière. Désormais ouvert au haut-de-gamme, il cumule les avantages sur le papier. Mais est-ce aussi le cas dans la réalité?

D’ici quelques jours, les propriétaires pourront prendre possession de leur nouvelle maison en bois. Pour l’heure, une kyrielle d’ouvriers peaufine les derniers aménagements : ici, on peint les murs, là on installe le chauffage et les prises de courant, un peu plus loin on fixe les sanitaires. Les 160m2 d’habitation prennent forme et on pourrait presque déjà s’y installer. A un détail près : la maison se trouve sous le pont roulant d’un immense hangar, à des dizaines de kilomètres de son emplacement final... La construction préfabriquée sera bientôt démontée en différents modules et fixée sur d’imposants semi-remorques, avant d’être livrée sur le terrain du client. « Les modules vont être réassemblés un peu comme des Lego, explique fièrement Boris Heylen, engineer manager chez ModuleHome. Cela ne prendra que deux jours : on monte les modules, on fait tous les raccords nécessaires le lendemain et, dès le surlendemain, la personne peut installer ses meubles. Au total, entre la commande et la fin du chantier, il ne se sera écoulé que six semaines : le même délai que pour la commande d’un salon en cuir ! »

Comme d’autres sociétés de constructions préfabriquées, ModuleHome a le sourire : à en croire l’entreprise, le carnet de commande est aujourd’hui bien rempli. C’est que le secteur connaît un bel engouement : le préfabriqué disponible actuellement sur le marché n’a souvent plus grand chose à voir avec celui du XXe siècle, où les entreprises limitaient leurs catalogues à quelques maisons standardisées, à l’aspect un peu carton-pâte. Qu’il soit en bois, en béton ou même en acier, le préfabriqué a connu des évolutions notables dans sa conception et sa mise en oeuvre. A tel point qu’il surpasserait désormais la construction traditionnelle sur bien des aspects.

A qui s’adresse le préfabriqué ?

Le préfabriqué s’adresse avant tout aux personnes...

– qui veulent ajouter une extension à leur maison, qu’elle soit temporaire ou non.

– qui cherchent à quitter une grande maison pour une résidence plus petite (voire de plain-pied) neuve et adaptée, sans pour autant passer par un longue phase de chantier.

– qui désirent une construction neuve « clé sur porte » rapidement, dans laquelle il n’y aura plus qu’à installer les meubles : en s’adressant à un seul entrepreneur, pas besoin de faire appel à des corps de métier séparés. Des sanitaires aux peintures et revêtement de sol, tout sera livré et installé en une fois.

– qui cherchent à construire sur un terrain de mauvaise qualité : le préfabriqué à ossature légère (bois ou acier) ne nécessite pas de grosses fondations.

– qui ont un budget maximal à ne pas dépasser et veulent s’assurer une maîtrise totale de leurs dépenses.

« Pas de mauvaise surprise »

Outre des délais de livraison toujours imbattables – même en faisant trimer une équipe d’ouvrier 24h/24 7jours/7, on imagine mal une construction traditionnelle s’élever en si peu de temps -, les promoteurs du préfabriqué relèvent en effet d’autres qualités notables. Parmi les avantages constamment mentionnés, on retrouve une isolation et une étanchéité à l’air d’excellente qualité, ou encore une maîtrise totale de la dépense. « Puisque tout est décidé en amont et que la maison est à 90% terminée en usine, il ne peut pas y avoir de mauvaise surprise, détaille Frédéric Mercier, propriétaire de la société Modulart, qui propose des maisons préfabriquées en béton armé. Vous ne vous retrouverez pas au final avec un dépassement de budget de 15%, comme cela arrive souvent dans le secteur de la construction. Les seuls aléas de pose, soit 2% du budget au maximum, seront dus à l’égouttage ou aux raccords. »

Pour le reste, chaque constructeur fait valoir les qualités spécifiques de ses produits. C’est qu’il y a presque autant de systèmes brevetés de préfabriqué qu’il y a d’entreprises, et ceux-ci sont parfois très différents dans leur mise en oeuvre et leur composition. Certains mettront en avant la solidité à toute épreuve de leurs matériaux, des coûts de fabrication moindres, la flexibilité de leurs modules, ou encore la légèreté de leurs constructions. « Le fait d’utiliser le bois nous permet de réaliser très facilement des annexes, souligne par exemple Boris Heylen. Elles peuvent être posées sur des constructions existantes, comme un garage, sans devoir prévoir un renforcement des murs déjà existants. Cela nous permet aussi d’amener des modules très simplement dans un jardin, via une grue. Nous avons par exemple des familles qui commandent des petites habitations pour un parent âgé : nous plaçons le module à l’arrière de la maison, sur des fondations très légères et qui se retirent facilement. Le tout reste déplaçable et revendable par la suite, sans laisser de traces !« 

Au choix... dans le catalogue

Le préfabriqué n’aurait-il que des avantages ? « C’est en tout cas un secteur performant que nous suivons de près et qui gagnerait à se développer, répond Eric Cloes, rédacteur en chef du magazine Je vais construire. Mais actuellement, il s’agit toujours d’une niche dans laquelle l’offre et la demande sont relativement limitées, et on peut relever quelques inconvénients à ce type de fabrication. »

Le premier, et non des moindres, est que les maisons préfabriquées sont souvent constituées d’un assemblage de modules produits en série et dont les dimensions sont prédéfinies. « La créativité architecturale est donc un peu limitée, tient à rappeler Eric Cloes. On ne peut pas arriver chez un constructeur avec des demandes qui n’entrent pas dans leur canevas, leur processus de fabrication. Choisir un système de préfabriqué, c’est choisir un look, un style d’architecture précis, des pièces d’une certaine taille, même s’il est toujours possible d’assembler différemment deux ou trois modules de base. En fait, plus il y a d’étapes de montage réalisées en usine, plus il y a de restrictions au niveau architectural. » Il en va de même des finitions : certains processus étant automatisés, le choix du carrelage, de la brique de parement, ou même de la forme et de la taille des ouvertures est souvent limité. « Il est parfois possible de sortir du système, mais cela peut revenir cher ou s’avérer dangereux pour la qualité de la construction. »

Un chat dans un sac ?

Le fait de devoir concevoir la maison de A à Z avant la mise en production peut lui aussi poser problème. Le moindre détail doit en effet être décidé alors que la maison n’existe encore que sur papier. « Il faut déjà pouvoir dire où on veut une prise de courant, le thermostat, un interrupteur... Or, beaucoup de clients n’ont pas une bonne perception en 3D de leur maison avant la construction : ils risquent donc de choisir ces emplacements par défaut. C’est assez contraignant, contrairement à une construction traditionnelle où on peut encore demander des adaptations du plan après s’être promené sur le chantier...« 

L’absence de contrôle visuel sur l’évolution des travaux est d’ailleurs une source d’angoisse pour certains clients, qui ont parfois l’impression d’acheter un chat dans un sac. « Ici, par contre, je trouve cette angoisse un peu infondée : on achète bien des voitures quand elles sont totalement terminées, il ne viendrait à personne l’idée de se rendre sur une usine de montage pour voir si elle est bien fabriquée ! Mais cette petite dose d’inconnue explique peut-être la réticence du public pour le préfabriqué. Probablement que si le marché se développait, et si les gens voyaient davantage de maisons préfabriquées dans le paysage, cette appréhension disparaîtrait...« 

Mais pour que ce type de construction se multiplie, encore faudrait-il que davantage d’architectes s’y intéressent. « Ils devraient davantage s’informer sur le sujet pour pouvoir faire le lien quand la demande d’un de leur client rencontre l’offre d’un constructeur en préfabriqué. A l’heure actuelle, c’est encore trop souvent le client qui découvre un système dont il est fan et puis cherche à imaginer sa maison en fonction des restrictions du constructeur !« 

Moins cher, vraiment ?

La plupart des acteurs du secteur que nous avons contactés soutiennent qu’opter pour le préfabriqué est un bon choix sur le plan financier : certains avancent qu’une maison préfabriquée, pour une taille et une finition équivalentes, reviendrait 10 à 15% moins cher qu’une construction traditionnelle. Un avis que ne partage pas Eric Cloes, rédacteur en chef de Je vais Construire: « Le préfabriqué permet de construire très vite et bien, dans un budget maîtrisé, mais à fini comparable, il revient un peu plus cher. N’oublions pas qu’il s’agit d’une niche : il n’existe que peu d’entreprises, qui ont chacune un système différent. Actuellement, il n’y pas donc pas de réelle concurrence qui pourrait tirer les prix à la baisse. Il n’y a par ailleurs pas vraiment de juste milieu : seulement des bâtiments d’entrée de gamme et d’autres de haut de gamme. Et lorsque les prix demandés sont particulièrement bas, c’est souvent que le constructeur a consenti à des sacrifices techniques ou à une finition moindre...« 

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