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Grand-parent d’un enfant adopté: comment l’accueillir?

Lorsqu’on devient grand-parent pour la première fois, on tâtonne souvent un peu avant de remplir au mieux son nouveau rôle. Mais comment cela se passe-t-il lorsqu’il s’agit d’un petit enfant adopté ?

L’adoption n’est pas vraiment facilitée de nos jours. Certaines voix s’élèvent même contre l’adoption à l’étranger pour éviter de déraciner les enfants. En l’espace de cinq ans, le nombre d’adoptions! a fortement diminué en Belgique (201 adoptions en 2015 contre 466 en 2010) et les candidats parents sont littéralement passés au scanner.  » On a toujours cherché des parents pour des enfants, et non l’inverse « , insiste Inge Demol, directrice de l’asbl Steunpunt Adoptie. On prépare les parents adoptifs à faire preuve de beaucoup d’ouverture quant à l’origine de leur futur enfant. Les grandsparents, eux aussi, ont parfois une idée précise du type de famille qu’ils ont envie de former. Ils doivent se faire à l’idée d’avoir des petits-enfants adoptés. Il est donc important qu’ils soient impliqués dans le processus d’adoption pour que toute la famille soit sur la même longueur d’onde. « 

Enceinte autrement

Si votre enfant vous annonce qu’il va bientôt être papa ou maman, on se sent immédiatement impliqué(e). Une future grand-mère a forcément envie d’échanger des anecdotes de grossesse avec sa fille. A mesure que le ventre grossit, on se rapproche de ce moment incroyable : la seconde où on découvre enfin le visage du bébé tant attendu.

Pour les grands-parents d’un enfant adopté, cette phase préparatoire se déroule différemment.  » On se pose énormément de questions, remarque Carole Vandaele qui organise des cours pour les grands-parents adoptifs. On se demande si notre fille ou notre fils ne va pas être confronté à des problèmes. On se fait du souci. Les couples qui décident d’adopter ont parfois (pas toujours) un véritable parcours du combattant derrière eux, avec de multiples tentatives de grossesse qui ont échoué. Leurs parents ont sûrement ressenti de l’angoisse lors d’éventuelles interventions médicales à répétition et sont peut-être soulagés d’apprendre que leur fille ou leur fils renonce aux traitements hormonaux. Peu après, voilà que ceux-ci annoncent leur intention d’adopter. Comme les futurs parents, les grands-parents se demandent combien de temps va durer la procédure. Ils ont vu à la télévision des images d’enfants en manque de famille et se demandent pourquoi leur fils ou leur fille, en dépit de ses qualités, doit attendre si longtemps. « 

Un autre départ

Lorsque l’enfant arrive enfin au sein de sa nouvelle famille après des années de procédure d’adoption, les nouveaux grands-parents ont envie d’aller le voir tous les jours pour apprendre à le connaître et le câliner.  » C’est naturel mais, au début, mieux vaut qu’ils se tiennent un peu à l’écart, conseille Carole Vandaele. Pendant les premières semaines ou les premiers mois, l’enfant doit avant tout nouer un lien de confiance avec ses parents adoptifs. Dans un premier temps, il n’est pas rare qu’un enfant qui a vécu des choses pénibles se montre méfiant vis-à-vis des adultes. Il doit se familiariser avec ceux qui assureront ses besoins fondamentaux.

Les grands-parents seront d’une aide précieuse en se montrant discrets au besoin. Si l’enfant tombe, c’est aux parents de le consoler, pas aux grands-parents. « 

Une autre origine

 » Il ressemble de plus en plus à son papa « ,  » Sa tante aussi riait tout le temps « ...  » Des observations qui créent du lien. Or, le caractère d’un enfant adopté peut correspondre à celui de sa nouvelle famille... ou pas. Ces remarques peuvent s’avérer gênantes et mieux vaut donc les éviter.  » Il subsistera toujours aussi des inconnues sur le passé d’un enfant adopté. La procédure d’adoption exige que soient conservés les dossiers (médicaux) des parents biologiques et qu’ils puissent être consultés par les parents adoptifs mais des incertitudes demeurent.  » Quel que soit le vécu de l’enfant, il est important d’évoquer ses origines avec respect. Ne laissez jamais passer les remarques du genre «  On t’a abandonné là-bas, tu peux être content d’être ici « , souligne Carole Vandaele. Les grands-parents doivent se mettre d’accord avec leurs enfants sur ce qu’il convient de dire ou pas aux tiers. Il va de soi qu’on peut mentionner le pays d’origine de l’enfant mais les raisons et le coût de l’adoption ne se communiquent pas !

Les grands-parents doivent se montrer compréhensifs vis-à-vis des difficultés qui peuvent surgir quand on élève un enfant adoptif. Les conseils bien intentionnés, tels que «  Quand vous étiez petits, je faisais comme ça... » n’ont pas toujours de sens. Traitez le petit-enfant adopté exactement comme vos autres petits-enfants mais sachez au besoin vous adapter. « 

Grand-parent, tout simplement

Si l’enfant est toujours mieux accueilli dans un environnement conscient des besoins particuliers liés à l’adoption, Carole Vandaele tient à préciser que les petits-enfants adoptifs sont avant tout des petits-enfants comme les autres.  » Au début, les grands-parents se montrent souvent réticents face à l’adoption mais, très vite, les choses s’arrangent. Ils offrent un point de repère, une balise rassurante. De nos jours, les enfants ont des agendas surbookés, entre les cours de piano, la logopédie et les entraînements de foot. Les grands-parents peuvent se permettre de prendre le temps de cuisiner avec leurs petits-enfants ou de les emmener à la piscine, par exemple. « 

Jef Van Boven, 67 ans « Il m’arrive malgré moi de comparer mes petits-fils adoptifs à ma fille »

Jef van Boven avec sa femme et leurs petits-enfants, parmi lesquels trois sont adoptés.
Jef van Boven avec sa femme et leurs petits-enfants, parmi lesquels trois sont adoptés. © Wim Kempenaers

« Ma fille aînée et son mari avaient envie d’un enfant mais ne parvenaient pas à en avoir. Ils ont assez rapidement décidé d’adopter et j’ai trouvé que c’était une très bonne idée. Je me demandais néanmoins comment ils se débrouilleraient pour la procédure et l’aspect financier. Et j’espérais évidemment que tout se passerait bien. J’ai veillé à être à l’écoute et à aider quand je le pouvais. Mais cela reste difficile, car on dépend des organismes d’adoption.

Mateo, 10 ans, avait presque 2 ans quand il est arrivé en Belgique de son Kazakhstan natal. Ma femme, Hilde, et moi sommes allés le chercher à la gare. C’est différent d’une visite à la maternité, lorsque votre fille vient d’accoucher, mais j’ai tout de suite vu à quel point ma fille était heureuse d’avoir un enfant dont elle était la mère. Nous nous étions mis d’accord pour que je vienne pas à l’improviste chez eux durant les premières semaines et les deux ou trois premiers mois, et pour que nous ne câlinions pas tout de suite Mateo. Il est naturel d’avoir envie de serrer son petit-fils contre soi mais je peux comprendre qu’on nous demande d’attendre pour que le lien se noue d’abord avec les parents.

Mateo a passé les deux premières années de sa vie dans un orphelinat, où on s’est bien occupé de lui. Noach, 8 ans, et Milan, 1 an, sont nés en Belgique. Ils étaient beaucoup plus jeunes au moment de l’adoption et le lien s’est noué plus facilement. Les choses ne se sont pas déroulées si différemment par rapport à nos petits-enfants biologiques : au début, eux aussi sont encore si fragiles qu’on ose à peine les toucher. Et quand nous les gardons pour la journée, on nous fait aussi toutes sortes de recommandations : que leur donner à manger, quand les mettre au lit...

Il m’arrive malgré moi de comparer mes petits-fils adoptifs à ma fille quand elle était enfant. Y compris physiquement. Ce qui n’a aucun sens. Les deux aînés ont un caractère fort. Ils sont en cela très différents de leur cousin qui a un tempérament plus réservé. Ils sont uniques par leurs gènes, évidemment, mais on retrouve la marque de leurs parents dans leur comportement.

Noach commence à poser des questions sur ses origines. Il a consulté son dossier d’adoption avec ma fille. Il a vu une photo de sa mère biologique et connaît son nom. Cela lui a suffi. Mais on ne peut pas s’empêcher de se demander pourquoi il voulait connaître ses origines, s’il est heureux. Mais il sait qui sont ses parents et ses frères. Si vous aimez vos petits-enfants adoptifs, tout est résolu... ou presque. »

Des héros blessés

Le Musée Dr Guislain accueille l’exposition Adoption. Entre aventure et blessure jusqu’au 16/4. Elle met en lumière ce thème passionnant depuis plusieurs points de vue. D’une part, la fascination pour les héros adoptés, songez à Superman, Tarzan ou Moïse. D’autre part, elle montre des documents historiques, des oeuvres d’art et des photos illustrant l’évolution des pratiques d’adoption depuis le XIXe siècle et la manière dont l’origine influence la quête d’identité.

Adoption. Entre aventure et blessure. Jusqu’au 16/4 au Musée Dr Guislain, Gand. www.museumdrguislain.be

Par Ellie Maerevoet

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