© FRÉDÉRIC RAEVENS

Jean-Luc Fonck :  » Je suis un ket qui fait des conneries ! « 

Le leader du groupe Sttellla ne nous emmène pas à Torremolinos mais bien sur le parcours de la vie d’un grand gamin, éternel chanteur intérimaire.

C’est au Schievelavabo, une brasserie bruxelloise qu’il fréquente souvent que Jean-Luc Fonck, en tournée  » Olé Olé « , nous donne rendez-vous. D’emblée, l’artiste fraîchement sexagénaire nous fait la bise, tout sourire.

Avec Sttellla, vous avez écumé les arrières-salles de café avant de vous produire dans les salles de concerts et les festivals belges ainsi qu’étrangers. Comment expliquez-vous la pérennité de votre groupe ?

La scène, ce sont les vraies vacances !

On n’a jamais été à la mode donc jamais été démodés. Sur scène, notre plaisir est communicatif. Les concerts sont tous différents : les morceaux restent les mêmes mais ce qui se passe entre eux varie. Je dis des conneries, je ne sais même pas moi-même ce que je raconte! Je parle avec les gens de tout ce qui me passe par la tête. Parfois, je suis depuis 18 minutes sur scène avant que ne vienne la première note, t’imagine ? On ne fait pas semblant d’être des grands gamins. Des chansons qui racontent de telles histoires en français on n’entend pas ça tous les jours. On joue dans les centres culturels, aux fêtes de la bière, à l’Ancienne Belgique où on a fêté mes 60 ans. On s’amuse partout !

Vous n’étiez pas prédestiné à cette carrière...

Non, je me suis inscrit à un festival musical organisé par l’école, à Forest. On a monté un groupe et emprunté des instruments. Je n’avais aucune formation musicale ni vocale. Le chanteur de l’époque est parti après deux concerts et aucun autre n’a voulu le remplacer parce qu’on nous trouvait un peu spéciaux. Du coup, j’ai pris le micro ad interim. Ca fait plus de quarante ans que je chante en attendant un vrai chanteur...

Trouvez-vous toujours que vous ne savez pas chanter ?

Oui, j’ai une voix un peu particulière. J’écris des chansons, la musique, le rythme, mais si tu me mets dans un karaoké je n’arrive pas à faire toutes les notes !

Auriez-vous rêvé d’une autre carrière ?

Petit, je voulais être curé pour les costumes. J’étais dans une école catholique avec des frères en soutane sympas qui jouaient au foot comme Don Camillo. Après, je suis tombé amoureux et j’ai laissé tomber. J’ai ensuite fait des études d’instit’ mais j’ai arrêté juste avant mon diplôme car j’aurais eu un problème avec les autorités académiques avec lesquelles je n’étais pas d’accord.

Vos parents étaient boulangers.

Oui et mon père m’a toujours dit ne pas faire ce métier, un boulot incroyable qui demande de se lever à des heures impossibles. Il voulait que je sois avocat, médecin... Quand j’ai été nommé à l’Etat, il était super content parce que c’était un vrai travail.

Quelles valeurs vous ont transmis vos parents ?

Le travail et une certaine notion de l’argent, de la réalité. Comme ils travaillaient en permanence, ils n’avaient pas le temps d’avoir des idées folles. Si tu me donnes 1 million d’euros, c’est très gentil, je vais le mettre sur mon compte mais je ne vois pas ce que j’en ferai ! Et c’est d’ailleurs difficile de me faire un cadeau car si je ne l’ai pas c’est parce que je n’en ai pas envie ou besoin. Ma voiture, par exemple, est pareille à la précédente et à celle d’avant, sauf la couleur !

D’où provient cet art de l’absurde ?

J’ai toujours été comme ça et je trouve qu’il y a suffisamment de choses sérieuses pour laisser de la place à celles qui ne le sont pas. Un peu de divertissement n’a jamais tué personne. Au départ, quand je fais de la musique, des chansons, c’est pour me divertir moi-même. Et quand je sors des disques et que je suis sur scène, j’espère que ça amusera aussi les autres !

Vous considérez-vous comme une figure emblématique de l’humour belge, de la belgitude ?

J’ai déjà lu, entendu, que j’étais un monument de la chanson belge, c’est amusant de devenir un immeuble ! Mais je n’en pense rien, je ne fais pas ça pour être complimenté. Si je représente la belgitude c’est malgré moi car je ne suis qu’un ket qui fait des conneries !

Ce que vous avez fait de plus délirant ?

Louer un chameau pour arriver sur scène aux Francofolies de Spa ! Un vrai. Vivant. Pourquoi un chameau ? Je n’en sais rien. Je fais presque tout comme ça, sans raison.

Vous fixez-vous des limites ?

Souvent, les trucs que je ne fais pas c’est parce que je n’en ai pas envie. Pour la chanson que j’interprète, en direct, les vendredis sur Vivacité (ndlr, une chanson inédite à partir de quatre mots de quatre auditeurs), j’ai carte blanche. Personne ne l’entend avant. Tout peut donc arriver mais il n’y a pas de problème car je ne fais pas des trucs dérangeants.

Vous venez de fêter vos 60 ans. Un cap ?

Non, à la fin d’un concert, j’ai mal partout car je m’agite pendant deux heures mais ce n’est que le corps! La volonté et l’énergie sont intactes. Naturellement, on m’a offert une tribune lors de mon concert anniversaire à l’Ancienne Belgique pour se moquer de moi ! Ce qui change à 60 ans, c’est qu’on commence à recevoir des papiers pour des assurances obsèques, pour des activités pour les vieilles personnes. Bizarrement, tout à coup, comme tu deviens vieux, tu n’es plus capable de gérer toi-même. C’est dingue, hein ?

Avez-vous peur de vieillir ?

Non puisque pour moi c’est abstrait, je ne le sens pas, les autres vieillissent mais pas moi. Parfois, je vois des photos et je me dis  » mais qui est ce vieux peï ? « , et c’est moi ! Par ailleurs, on ne sait jamais comment les autres nous perçoivent. Il m’arrive de me demander si je prendrais mon bain dans la même eau que moi si je n’étais pas moi...

Etes-vous excentrique dans la vie privée ?

Je suis léger mais pas excentrique. Ce qui étonne souvent c’est que je suis hyper organisé. N’ayant pas de mémoire, je note tout dans un agenda que je regarde dès que je me lève. Je suis extrêmement calme, un peu ours aussi car j’effectue un travail solitaire depuis des années. Je travaille tout le temps.

Vous sentez-vous mieux sur scène ?

Je me sens bien dans la vie réelle mais sur scène ce sont les vraies vacances.

Comment vivez-vous votre notoriété ?

Bien, les gens sont cool, c’est agréable mais parfois gênant. Au resto, par exemple, il arrive qu’on vienne me saluer mais pas ceux qui m’accompagnent. C’est plus de l’étonnement que de l’impolitesse: pour eux, c’est un peu voir Saint Nicolas sortir de la télévision !

Jean-Luc Fonck :
© FRÉDÉRIC RAEVENS

1957

Naissance à Arlon

1975

Premier concert de Sttellla

1991

Tube Torremolinos

1997

Rejoint le Jeu des Dictionnaires et la Semaine infernale (RTBF)

2003

Premier recueil de nouvelles  » Histoire à délire debout « 

2009

Spectacle  » One man chose « 

2013

Spectacle  » Jean-Luc Fonck raconte ses rêves « 

2016-2017

Tournée  » Olé olé « 

Qu’est-ce qui vous fait rire dans la vie ?

Des humoristes que j’aime bien comme Jérôme de Warzée. La télé m’amuse beaucoup même les trucs pas drôles comme le journal télévisé et la météo qui reste un mystère pour moi : elle a toujours été incontournable, suivie avec ferveur alors que c’est souvent erroné ! Et au JT, parfois ils parlent de trucs tellement débiles que je me dis que s’ils en font un sujet c’est que le monde va bien.

Le plus beau compliment reçu ?

On a joué en prison il y a quelques années et un des détenus m’a écrit une lettre de remerciement pour dire qu’il avait oublié où il était le temps du spectacle. C’est pas si mal !

Vos projets ?

On jouera au bal national, on continue la tournée  » Olé Olé  » jusqu’en novembre, je sortirai un 11e bouquin début 2018, je ferai peut-être une 2e comédie musicale pour enfants...

Et ces vacances, direction Torremolinos ?

Non, non, non ! Ce sera la France où je vais trois fois par an. Je suis allé à Torremolinos en 1979 et il m’a fallu douze ans pour sortir la chanson. Je n’y suis plus jamais retourné. Je n’en dis que du bien dans cette chanson mais, dans ma tête, entendre quelqu’un en dire autant de bien ne pouvait être que louche. Pourtant, plein de gens ont pensé qu’il s’agissait vraiment d’un hommage à Torremolinos. C’est amusant !

OLIVIA VAN DE PUTTE – PHOTOS FRÉDÉRIC RAEVENS

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