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Les enfants partis: un nouveau tête-à-tête pour le couple

Tous les parents y sont confrontés tôt ou tard. Les enfants quittent le cocon familial et le couple se retrouve en tête-à-tête. Cette période de la vie dite du nid vide offre aussi de nouvelles opportunités.

Karen Van den Broeck
Karen Van den Broeck

Pendant des années, vous avez changé leurs couches, vous les avez soignés, conduits à gauche et à droite. L’adolescence n’a probablement pas été très facile mais vous tenez à vos enfants comme à la prunelle de vos yeux. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils mettaient de la vie dans la maison. Et voilà qu’un beau jour, ils quittent le nid familial pour voler de leurs propres ailes. Ils s’installent en kot ou chez une petite amie et ne se préoccupent plus trop de leurs parents.  » Dans la littérature spécialisée, le syndrome du nid vide fait référence aux parents plongés dans un chagrin intense lorsque leur enfant quitte la maison, analyse la coach relationnelle Karen Van den Broeck. Je préfère ne pas utiliser cette expression car pour la plupart des parents, c’est une étape de la vie parmi d’autres. C’est une période éprouvante, assurément, même pour les parents qui n’ont pas trop de difficulté à lâcher prise. Ce lâcher prise est toujours ressenti comme une sorte de deuil. Encore une page de tournée. Même si c’est pour le bien de tous, c’est parfois dur à vivre.. « 

Le rituel du départ

La maison ne se vide pas du jour au lendemain. Les enfants acquièrent de plus en plus d’indépendance, s’installent en kot ou dorment souvent chez leur petit(e)-ami(e) avant de franchir le pas décisif et de déménager leurs affaires dans leur nouveau nid. Qui plus est, tous les enfants ne partent pas en même temps. Les parents divorcés et les familles recomposées sont généralement confrontés plus tôt au phénomène du nid (partiellement) vide.  » Mais c’est précisément parce qu’il est progressif que ce départ est plus difficile à gérer, nuance Karen Van den Broeck. Avant, les enfants quittaient la maison pour se marier. Le mariage était annoncé officiellement, l’enfant était donné en quelque sorte. Une coupure nette est plus facile à accepter. De nos jours, le départ des enfants est moins franc. A partir de quand est-il vraiment indépendant ? Quand il s’installe en kot ? Quand il termine ses études ? Quand il commence à travailler ? Quand il ne rapporte plus son linge sale à la maison ? « 

Pour Karen Van den Broeck, rien de tel qu’un rituel pour clore une phase de vie.  » Ce ne doit pas nécessairement être un mariage. Une fête ou un restaurant en famille a le même effet. Le but est de faire passer un message clair : à partir de maintenant, tu assumes pleinement tes responsabilités et nous aurons une relation d’adulte à adulte. « 

Une période de réflexion

Même si le passage à l’âge adulte des enfants crée une impression de vide et de manque, les parents qui traversent cette période de nid vide éprouvent aussi une sensation de liberté et d’autonomie retrouvées. Ils peuvent désormais réorganiser leur vie comme ils l’entendent et non plus en fonction des enfants.  » La vie de famille suppose plusieurs types de relations, la relation avec l’enfant, la relation avec son partenaire et la relation avec soi-même, constate KarenVan den Broeck. Après la naissance, la relation avec l’enfant est prioritaire. Cela ne pose aucun problème pour autant qu’on ne néglige pas complètement les deux autres relations. Sans quoi on risque de se retrouver bien démuni, de perdre le contact avec son partenaire et soi-même sur la longueur. « 

La bonne nouvelle, c’est que les parents retrouvent une certaine sérénité dans leur relation après le départ des enfants. Au début de leur relation maritale, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. A la naissance des enfants, le bonheur (conjugal) a tendance à s’estomper avant de reprendre de plus belle. Ceci ne vaut évidemment que pour les couples qui fonctionnent.  » Lorsque j’explique cela aux couples qui viennent me consulter, ils éprouvent un certain soulagement. Il est tout à fait normal qu’à ce moment de la vie, la relation conjugale connaisse un creux. Les rôles changent. Les partenaires se recentrent sur eux-mêmes et s’interrogent sur leur futur. C’est une période de réflexion. « 

Les enfants partis: un nouveau tête-à-tête pour le couple
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Renégocier la relation

Les parents sont tellement concentrés sur le développement des enfants qu’ils ne se rendent pas toujours compte à quel point leur partenaire a évolué. On change, c’est inévitable, physiquement aussi. Le coup de vieux devient tout à coup évident. Avant la naissance des enfants, vous partiez peut-être en vacances avec tente et sac à dos. Mais est-ce encore possible après 50 ans quand on a des problèmes de dos ? Les normes et les valeurs changent elles aussi. En ce qui concerne les questions matérielles le plus souvent. Un des partenaires souhaite peut-être revendre la grosse villa pour s’installer dans une habitation plus petite. L’autre, au contraire, veut rester dans la maison qui abrite le souvenir d’une vie réussie. Des conflits peuvent surgir à propos de la façon dont on conçoit les rapports avec les enfants devenus adultes ou les parents âgés nécessitant des soins.  » Ces divergences de points de vue ne sont pas nécessairement sources de problèmes, elles peuvent même être synonymes de nouvelles opportunités, affirme Karen Van den Broeck. Le tout est de prendre conscience de ce qui lie le couple. Il y a d’une part les bons souvenirs et le fait d’avoir fait du chemin ensemble, d’autre part l’amour qu’on porte à son partenaire, la façon dont on l’exprime, le besoin d’affection qu’on ressent. Il faut renégocier la relation et ensemble, trouver un nouvel équilibre. « 

Cet équilibre suppose aussi la nécessité de prendre du temps pour soi.  » Les partenaires qui se retrouvent en tête-à-tête ont parfois tendance à tout faire ensemble, ce qui peut devenir étouffant. Se recentrer sur son travail ou investir plus de temps dans la vie associative pour compenser le sentiment de nid vide est un bon réflexe pour autant que les deux partenaires y trouvent leur compte. « 

Benny Leesen 56 ans et Chris Bastiaens 57 ans : « Il faut redéfinir les rôles »

Benny Leesen et Chris Bastiaens
Benny Leesen et Chris Bastiaens © Wim Kempenaers

Benny : Quand Hanne, 30 ans, et Tinne, 27 ans, ont quitté la maison, Jolien, 24 ans, vivait encore avec nous. Notre rôle de parents n’avait pas fondamentalement changé. Mais depuis que la cadette s’est installée pour six mois à Coventry pour y décrocher son master, je ressens pour la première fois une sorte d’inconfort.

Chris : Ma mère est décédée peu avant le départ de Jolien pour l’Angleterre. Pendant sa maladie et après son décès, les filles venaient souvent à la maison. Nous étions très proches. Puis, tout a disparu, d’un seul coup. C’est comme si je perdais toutes mes références, l’ancienne génération et la nouvelle. C’est dans l’ordre normal des choses mais cela a été très dur. Très tôt, Hanne a rêvé d’indépendance. Elle pouvait continuer à vivre avec nous mais nous l’avons soutenue dans son projet. Nous sommes allés acheter un lave-linge ensemble. Nous avons fait pareil pour Tinne quand elle a voulu prendre un kot à Louvain pendant ses études. Lorsqu’on décide de vivre seul, on en assume aussi toute la responsabilité. Elles sont toujours les bienvenues à la maison mais doivent assumer le quotidien toutes seules.

Benny : Nous avons beaucoup aidé Hanne à aménager sa maison. Nous avons demandé, non sans malice, quand elle comptait nous inviter nous et ses grands-parents. La première fois que vos enfants vous invitent à dîner est un événement marquant.

Chris : Les conversations avec les enfants changent. On discute davantage sur pied d’égalité, même si on reste des parents. Je dois me réfréner pour ne pas donner trop de conseils, ce qui pourrait être perçu comme une volonté d’imposer mon point de vue.

Benny : Je ferais n’importe quoi pour les aider. Chris me dit :  » C’est moi qui compte maintenant « . Nous devons redéfinir nos rôles. Nous ne sommes plus uniquement des parents ou en tout cas, ce rôle prend un tout autre sens. Nous avons plus de temps à consacrer l’un à l’autre et devons relever d’autres défis. Il faut réfléchir ensemble à l’avenir : allons-nous rester dans notre maison ou investir dans un service-flat ... Depuis que les enfants ont quitté la maison et que nous ne devons plus payer de kots, je ne travaille plus qu’à 80 %. Sans parler des autres décisions moins importantes : où partir en vacances, quels spectacles choisir dans notre abonnement culturel, ...?

Chris : Il est important de réactiver les choix communs faits dans le passé. Pour en profiter au maximum. Et profiter de notre maison. Tout est propre et en ordre, un vrai plaisir. Nous venons d’ailleurs de faire des transformations pour rendre la maison plus cosy, mieux adaptée à notre vie à deux.

Par Ellie Maerevoet

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