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Entretien, chute et responsabilité : 3 questions sur les trottoirs

Un pavé qui dépasse et bardaf, c’est la chute. De la neige et c’est la glissade qui fait mal... Ce qu’il faut savoir en matière de responsabilité sur l’entretien des trottoirs !

1 – QUI DOIT ENTRETENIR LE TROTTOIR ?

 » Si le trottoir est verglacé, s’il n’est pas déneigé, s’il y a des feuilles glissantes... Qu’en est-il des responsabilités en cas de chute d’un piéton ? Qui doit se charger de l’entretien du trottoir ?, s’interroge Jacqueline, la soixantaine. Elle réside à Anderlecht. Je vis dans un tout petit immeuble, une copropriété. Chez moi, il n’y a pas de concierge ou de personnel d’entretien. Donc, que faire en cas de neige ou de saletés sur mon trottoir ? On me dit que c’est la personne du rez-de-chaussée qui a en charge l’entretien. Et si elle n’est pas là, et qu’elle peut le prouver, c’est la personne du premier étage qui doit intervenir ? « 

 » Non, pas nécessairement, répond Olivier Hamal, le président du Syndicat national des propriétaires et copropriétaires (SNPC). Je ne vois pas dans le statut d’une copropriété de règle selon laquelle les habitants du rez-dechaussée doivent obligatoirement entretenir le trottoir. C’est comme si le propriétaire du dernier étage avait la responsabilité du toit. Alors, quid de la responsabilité ? La copropriété va la renvoyer vers le syndic d’immeuble. C’est lui qui veille à l’entretien des parties communes. C’est à lui aussi de prendre les dispositions utiles... «  Cela signifie concrètement, pour un immeuble en copropriété, que les copropriétaires doivent désigner la ou les personnes responsables.

Généralement le concierge

Le règlement communal de chaque ville et commune prévoit une obligation pour le citoyen de dégager son trottoir en cas de neige, gel ou chutes de feuilles. La règle est claire pour les propriétaires d’une maison unifamiliale : c’est à eux de faire le job ! Et si vous habitez un vaste immeuble ? La réponse est tout aussi simple : c’est le concierge (ou son équivalent) qui s’en charge. Mais ici, dans le cas d’une petite copropriété, ce sera le règlement d’ordre intérieur qui stipulera le responsable ès déneigement. La tâche pourra dès lors revenir, selon le SNPC,  » soit au personnel chargé de l’entretien de l’immeuble, soit aux occupants du rez-de-chaussée ou du premier étage ou, si ces derniers sont absents, aux autres occupants de l’immeuble : propriétaires comme locataires. « 

2 – COMMENT FAIRE VALOIR SES DROITS EN CAS DE CHUTE ?

Vous risquez théoriquement jusqu’à 250 € d’amende si vous ne déblayez pas votre trottoir. Mais le risque est surtout de voir quelqu’un s’y casser la pipe et de vous en tenir responsable. Cela risque de coûter drôlement plus cher si vous n’êtes pas assuré. Dégager son trottoir est une obligation. Si un passant chute sur un trottoir non dégagé, il peut se retourner contre la ou les personnes habitant l’immeuble qui ont commis une faute. Car toute personne qui cause à autrui un dommage est priée de le réparer.  » Dégager son trottoir en cas de neige ou de verglas est en effet une obligation du Code civil, détaille Laurence Gijs des assurances AG. Toute personne est censée agir en bon père de famille et donc, laisser son trottoir dégagé pour réduire le risque de chute ou d’accident. «  Il s’agit d’une obligation de  » moyens  » selon le jargon juridique. En clair ? Le riverain ne peut échapper à sa responsabilité. Sauf s’il démontre qu’il lui était impossible de prendre les dispositions d’usage compte tenu de certaines circonstances. Il était à l’étranger au moment de la chute, par exemple.

Entretien, chute et responsabilité : 3 questions sur les trottoirs
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Et si le riverain est condamné pour défaut d’entretien du trottoir ? Il pourra faire appel à son assurance familiale, s’il en a une.  » Si une personne chute sur votre trottoir parce qu’il n’était pas dégagé, c’est votre assurance responsabilité civile (RC) familiale vie privée qui pourra intervenir pour vous aider à indemniser la victime, ajoute Laurence Gijs. La RC familiale est une assurance qui couvre spécifiquement les dégâts causés aux tiers, quand la responsabilité de l’assuré est engagée. Une éventuelle assurance RC bâtiment liée à l’habitation peut aussi entre en action. «  Et si c’est vous la victime d’une chute ?  » Si vous faites une chute sur un trottoir non dégagé, entraînant des frais médicaux, votre assureur en protection juridique liée à la vie privée peut vous aider à constituer un dossier afin de pouvoir exercer un recours contre le propriétaire du trottoir et d’obtenir ainsi une éventuelle indemnisation. « 

La difficulté de le prouver

Prouver que vous avec chuté à cause d’une dalle descellée ou d’un pavé ? Hum, ce n’est pas une mince affaire ! Les principes généraux de la responsabilité seront d’application. Il faudra donc prouver le dommage, la faute (ou le manquement) et le lien causal entre les deux.

Donc, après une chute, la première chose à faire est d’appeler la police. Si elle refuse de venir, exigez un enregistrement officiel de votre appel avec date et heure. Il faudra ensuite se rendre au poste de police et faire rédiger un procès-verbal. De votre côté, vous aurez pris soin de prendre des photos datées et de recueillir les coordonnées d’éventuels témoins. Toutes les attestations du médecin ou du service de garde de l’hôpital sont évidemment à garder et à fournir à la protection juridique de l’assurance ou à un avocat.

3 – LA RESPONSABILITÉ DES COMMUNES

Il n’y a pas que les riverains qui peuvent être tenu pour responsables en cas de négligence. Les pouvoirs locaux le sont aussi. Leur responsabilité est engagée si le trottoir est entaché d’un  » vice « . Les communes sont légalement tenues de mettre des voies sûres à la disposition des usagers. Mais ces derniers doivent être  » normalement  » prudents.

À Mons, un jugement a souligné  » l’impossibilité pour les communes de veiller en permanence au bon état de la voirie (...) «  En cas de chute, la commune pourra  » être déclarée responsable si le danger est anormal, s’il est de nature à tromper la légitime confiance de tout usager circulant normalement sur la voie publique. «  Normal, anormal ? Pas très clair tout cela. Le journal de l’assureur DAS a donné plusieurs cas de jurisprudences davantage éclairants. C’est ainsi qu’il a été jugé en appel à Liège  » que le trottoir qui est recouvert d’une tache de graisse de frites d’une superficie d’un mètre est atteint d’un vice entraînant la responsabilité de la commune ; que le piéton qui glisse sur cette tache de graisse doit néanmoins supporter la moitié de son dommage lorsqu’il apparaît que l’accident s’est produit en plein jour et que ce piéton aurait pu éviter sa chute en faisant preuve d’une prudence adaptée. «  Autre exemple ? Celui qui marche en tapotant sur son smartphone et trébuche sur un pavé devra assumer une partie de sa responsabilité dans sa chute.

De pavé rebelle, parlons-en justement. Au tribunal de Gand, il a été énoncé  » qu’un pavé dépassant de 15 millimètres ne constitue pas une caractéristique anormale d’un trottoir, mais qu’un pavé descellé, ressortant de 3 centimètres, est de nature à tromper la confiance des piétons et à engager la responsabilité de la commune sur la base de l’article 1384 al. 1 du Code civil. « 

Les communes, tenues par une obligation de  » moyens « , peuvent néanmoins s’exonérer d’indemniser une victime si elles  » parviennent à apporter la preuve qu’elle ne pouvait, en aucune façon, connaître la situation dangereuse. «  À Bruxelles par exemple, un riverain s’est vu reconnaître une responsabilité au deux tiers pour ne pas avoir prévenu sa commune de l’existence d’un trou dans le trottoir bordant son habitation. Conclusion : ne tardez jamais à prévenir à votre commune si votre trottoir est mal un point. A défaut, on pourra vous le reprocher !

Le règlement général de police

C’est le règlement général de police qui contient les prescriptions concernant les trottoirs et leur propreté. Si toutes les communes et villes possèdent leur règlement de police spécifique, il existe néanmoins des règles souvent communes aux trottoirs des quatre coins de Belgique. Il apparaît ainsi que les locataires, propriétaires ou leurs représentants doivent tenir praticable et en état de propreté le trottoir devant chez eux. Cela vaut aussi pour les mauvaises herbes et l’écoulement des rigoles. Souvent, le nettoyage et le déblaiement du trottoir sont à charge de ceux qui occupent le rez-de-chaussée. Si celui-ci n’est pas habité, le nettoyage sera effectué par ceux qui occupent les étages supérieurs en commençant par le premier étage, etc.

Un arbre et un petit parterre devant chez soi ? La personne chargée du nettoyage du trottoir sera théoriquement tenue d’enlever les mauvaises herbes au pied des arbres qui y sont plantés. Mais dans les faits, ce sont généralement les services communaux qui s’en chargent.

Il n’est pas permis d’utiliser le trottoir à sa guise, même si c’est pour  » végétaliser  » l’espace public. Il pourrait vous en coûter 50 ou même 250 €. Si vous désirez déposer un gros pot de géraniums devant chez vous, sachez que la plupart des communes exigeront que vous conserviez une largeur de minimum 1,5 mètre pour permettre le passage des piétons, des personnes à mobilité réduite, des landaus...

Enfin, faut-il encore le mentionner, il est interdit à toute personne ayant des animaux domestiques sous sa garde, de les laisser déposer leurs excréments sur le trottoir !

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