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Faire une donation sans se déposséder

Depuis la diminution des droits de donation dans les trois Régions de notre pays, on n’a jamais autant enregistré de dons de maisons et d’appartements. Conseils juridiques et fiscaux pour faire une donation tout en gardant votre pouvoir décisionnel !

Un don d’argent peut se faire sans payer d’impôts (pour autant que le donateur vive encore pendant trois ans au moins) ou comme donation enregistrée à taux réduit. Il n’est hélas pas possible d’agir de même pour des biens immobiliers, car la maison ou l’appartement doit être mis au nom des enfants. Pour cela, un acte notarié reste indispensable. Et là, un impôt est prévu. Voici encore un an, son taux était équivalent à celui des droits de succession, ce qui explique que l’on agissait rarement avant le décès de la personne. Mais, depuis la diminution effective de l’impôt sur la donation de biens immobiliers, ce type de don a le vent en poupe ! Alors peut-on se contenter de donner le bien ? Vous allez voir qu’il est possible de faire mieux encore !

Tarifs plus bas à Bruxelles, en Flandre et en Wallonie

Les droits de donation ont été entièrement revus et adaptés dans les trois Régions de notre pays. Faire un don de son vivant est devenu nettement plus intéressant que de laisser hériter ses enfants, d’autant que cela permet de soustraire entièrement de la succession la maison ou l’appartement du défunt.

Le tarif applicable est calculé selon le lieu de résidence du donateur. Un Liégeois qui souhaite faire don à ses enfants de son appartement situé à la Côte tombe sous le coup de la législation wallonne en matière de droits de donation. Un Gantois désireux d’offrir son chalet dans les Ardennes devra se conformer aux droits de donation en vigueur en Flandre.

Les tranches en Flandre et à Bruxelles

0 € > 150.00 € : 3%

150.000,01 € – 250.000 € : 9%

250.000,01 € – 450.000 € : 18%

> 450.000 € : 27%

Les tranches en Wallonie

0 € – 25.000 € : 3%

25.000,01 € – 100.000 € : 4%

100.000,01 € – 175.000 € : 9%

175.000,01 € – 200.000 € : 12%

200.000,01 € – 400.000 € : 18%

400.000,01 € – 500.000 € : 24%

> 500.000 € : 30%

Les droits calculés par lots

Dans le cas où les deux parents font un don à leurs enfants, ceux-ci ne paient sur la première tranche de 150.000 € que 3 % de droits de donation en Flandre et à Bruxelles. Concrètement, cela veut souvent dire que qu’il ne faut payer que 3 % sur l’ensemble de la donation. Cette limite de 150.000 € vaut, en effet,  » par lots « . Imaginons qu’un couple veuille faire don à ses deux enfants d’un appartement à la mer d’une valeur de 600.000 €. [Exemple fictif : le chiffre de 600.000 €a été choisi pour pouvoir illustrer facilement le principe des lots et des tranches]. Comme les deux parents souhaitent faire don à leurs deux enfants, on se trouve face à quatre  » lots  » de 150.000 €, avec chaque fois un tarif applicable de 3 %. Au total, pour cet appartement à la Côte, les droits de donation s’élèvent à 3 % seulement, soit 18.000 €. En Wallonie, les nouveaux droits de donation sont un peu plus élevés. On paie 3 % sur les premiers 25.000 €, 4 % pour la tranche de 25.000 € à 100.000 €, 9 % pour la tranche suivante et ainsi de suite. Ici, les droits de donation pour les  » lots  » au-delà de 100.000 € grimpent donc assez vite. Ainsi, pour le même appartement à la Côte, les droits de donation appliqués en Wallonie se monteraient à 33.000 €.

En une fois ou par tranches ?

Plus la donation est importante, plus cela coûte cher, et c’est vrai dans les trois Régions. Ce qui explique qu’à un moment donné, il soit intéressant de faire des dons par tranches, afin de payer chaque fois le tarif le plus avantageux. Ayez à l’esprit la règle d’or que voici : en Flandre et à Bruxelles, la donation par tranches devient intéressante à partir de 200.000 € par lot environ; en Wallonie, à partir de 150.000 € par lot environ. Ceci en tenant compte non seulement des droits de donation mais aussi des frais de notaire. Car si vous souhaitez faire don d’un bien immobilier en deux fois, vous devrez payer deux fois les frais de notaire.

Cette technique a toutefois ses limites : on est tenu d’attendre trois ans entre deux donations. Le fisc considère cependant que le don de bien immobilier entre les mêmes personnes et en l’espace de trois ans, revient fiscalement à une seule donation. On ne peut donc prétendre à nouveau à un tarif réduit qu’après trois ans. Si la donation se fait au bénéfice d’une autre personne, ce laps de temps ne joue pas. Vous pouvez donc faire don, une première année, d’un terrain à votre fils, puis, l’année suivante, d’un appartement à votre fille. Le calcul se fait chaque fois à partir de la tranche la plus basse.

Vous décidez vous-même du montant que vous souhaitez donner. Lors d’une première donation, vous pouvez ainsi offrir 60 % de la valeur de l’appartement et, lors d’une seconde donation (3 ans plus tard) les 40 % restants, si cela se révèle fiscalement plus intéressant.

Ce type de donation par phases ou par tranches n’est absolument pas condamnable d’un point de vue fiscal.

Avec réserve d’usufruit

En pratique, dans les donations entre parents et enfants, on constate que dans 80 % à 90 % des cas, les parents se réservent l’usufruit du bien et n’en donnent donc à leurs enfants que la nue-propriété. Concrètement, cela veut dire que le père et/ou la mère continuent d’occuper le bien (ou de le louer à un tiers) aussi longtemps qu’ils vivent. Les enfants n’en ont la jouissance pleine et entière qu’au décès des deux parents, et ne doivent à ce moment plus payer d’impôts sur le bien.

En cas de donation avec réserve d’usufruit, les droits sont calculés sur la valeur de la pleine propriété et non sur la nue-propriété.

Attention, en cas de donation avec réserve d’usufruit, les droits sont calculés sur la valeur de la pleine propriété (600.000 € dans notre exemple fictif) et non sur la nue-propriété. Le gain fiscal est donc nul par rapport à une donation de pleine propriété.

Bien souvent, les parents qui conservent l’usufruit du bien pensent, à tort, qu’ils restent décisionnaires. C’est en partie bien naturel, car il va de soi que les enfants ne peuvent pas décider tout à coup de vendre le bien sans l’accord de leurs parents. Ils sont libres, en revanche, de vendre leur nue-propriété. Par contre, on oublie trop souvent que les parents, s’ils le souhaitaient, ne pourraient vendre que leur usufruit et ne sont donc pas libres de décider de la vente ou non du bien donné. Celle-ci n’est possible que si les usufruitiers (les parents) et les nus-propriétaires (les enfants) se mettent d’accord. Il suffit qu’une des parties en présence veuille imposer sa volonté pour que la situation se complique. Imaginez, par exemple, qu’un appartement ancien commence à coûter trop cher, et qu’on estime qu’il vaille mieux le vendre...

Chute de la valeur de l’usufruit

Si tout le monde est d’accord pour vendre, et qu’il y a réserve d’usufruit, la somme est partagée entre les usufruitiers et les nus-propriétaires. Mais c’est souvent la douche froide pour les parents usufruitiers : la valeur de leur usufruit chute rapidement, à mesure qu’ils se rapprochent de l’âge limite.

Exemple. Prenons des parents âgés tous deux de 76 ans. Ils ont fait don à leurs deux enfants de la nue-propriété de leur appartement. Comme eux-mêmes bénéficient encore de l’usufruit, ils peuvent compter chaque mois sur le loyer que leur rapporte ce bien mis en location. Mais l’appartement prend de l’âge et exige pas mal de frais d’entretien, de sorte qu’ils aimeraient le vendre pour acheter un bien plus petit mais neuf, ou encore placer l’argent de la vente en actions, afin de se garantir un confortable revenu.

Si vous faites don à vos enfants de la nue-propriété en vous réservant l’usufruit, sachez que celui-ci perd considérablement de sa valeur à mesure que vous prenez de l’âge.

Or voilà que surgit une complication : officiellement, selon les tableaux du droit civil, l’usufruit de personnes âgées de 76 ans ne vaut plus que 11,98 % de la valeur de la pleine propriété. La part des enfants nus-propriétaires est de 88,02 % ! Pour un appartement vendu 600.000 €, la part des usufruitiers (les parents) ne sera que de 71.880 € et celle, cumulée, des enfants de 528.120 €. A la vente, le paiement doit se faire selon le même rapport.

Mais cela peut devenir encore plus gênant, par exemple si l’un des enfants désire garder l’argent de la vente pour financer des travaux chez lui, au lieu de le réinvestir dans l’achat d’un nouvel appartement ou dans un portefeuille de placements. Les parents ne peuvent pas obliger leurs enfants à suivre leur stratégie si rien n’était prévu dans l’acte de donation.

Acte de donation avec clause

Il est possible de prévoir une clause de choix dans l’acte de donation : au moment de la vente (ou en cas d’expropriation), elle offre aux usufruitiers le choix entre réinvestir le montant de la vente, et conserver les revenus liés à ces placements, ou simplement toucher leur part en argent liquide (la valeur de l’usufruit). Selon les circonstances, les usufruitiers pourront choisir la solution qui leur convient le mieux au moment de la vente, sans que les enfants puissent entraver leur décision.

Il est également possible de prévoir une procuration irrévocable spécifiée dansl’acte de donation : les donataires (les enfants) donnent aux usufruitiers (leurs parents) procuration pour vendre la maison ou l’appartement, pour autant que cela se fasse dans l’intérêt des deux parties concernées.

Précision fréquemment ajoutée : l’usufruitier est libre de placer ou de réinvestir l’argent de la vente. En principe, une procuration est révocable mais, dans le cas qui nous occupe, elle peut être irrévocable. En tout cas, il faut qu’elle soit correctement établie par le notaire.

Pourquoi le donateur doit-il vivre trois ans ?

Pour que le don d’argent reste exempt d’impôt, il faut que la personne qui donne vive encore au moins trois ans après la donation. Dans le cas contraire, le donataire sera tenu de payer des droits de succession sur la somme donnée. Qu’en est-il en matière de don immobilier, lequel implique déjà des droits de donation ? La réponse varie d’une Région à l’autre.

Si le donateur réside en Wallonie ou en Flandre, il faut tenir compte de la « réserve de progressivité ». Admettons qu’une personne fasse don d’un appartement et qu’elle décède endéans les trois ans. Dans ce cas, la valeur de la donation est ajoutée à l’héritage et les droits de succession dus par les héritiers seront plus élevés. La donation a donc fait « progresser » la succession vers un plus haut tarif.

Si le donateur réside à Bruxelles, la réglementation est différente. Au moment de revoir les tarifs, la Région de Bruxelles- Capitale a supprimé la « réserve de progressivité » en cas de décès endéans les trois ans. Attention, cela ne concerne que les donations réalisées à partir du 1er janvier 2016. Ainsi, une donation enregistrée le 10 août 2015 par une personne décédée depuis lors tombe, elle, sous le coup de la « réserve de progressivité ».

Attention : la réserve de progressivité reste d’application à Bruxelles si vous avez fait un don par tranches dans les 3 ans.

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