Guy Legrand

Une taxe sur le capital ? Nous la payons déjà tous !

Guy Legrand

L’été dernier, quand le gouvernement a annoncé l’instauration d’une taxe de 0,15% sur les comptes-titres dépassant 500.000 euros, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer une triste nouveauté : pour la première fois en Belgique, on taxerait l’épargne elle-même, et plus seulement les revenus de cette épargne. Il est vrai que cette taxe d’abonnement (l’expression est bizarre, mais c’est son nom officiel) est faible, avec un taux de 0,15% à peine. Faible ? Seulement dans l’absolu car, quand les obligations de l’Etat ne rapportent que 0,50% environ, 0,15%, c’est beaucoup ! Il y a autre chose : autant il n’est pas toujours facile de lancer un impôt nouveau, autant il est ensuite très simple de le majorer. Voyez le précompte mobilier, qui a doublé en cinq ans !

L’épargne de base est taxée à 1,5% ou même 2% depuis deux ans.

Quoi qu’il en soit, est-ce vraiment une grande première ? Oui et non. En réalité, il y a longtemps que l’épargne est taxée, mais à l’achat. Nous subissons en effet un prélèvement fiscal quand nous achetons des actions, des obligations, des sicav ou encore des assurances-vie. Sans oublier bien sûr l’immobilier, pour lequel les droits d’enregistrement atteignent 10 ou 12,5%, suivant les Régions. C’est beaucoup plus qu’ailleurs. En Grande-Bretagne, on peut parfois s’en tirer avec 1% seulement. Et puis, il y a le précompte immobilier qui, contrairement au précompte mobilier, frappe bel et bien le patrimoine et non pas ses revenus. Tout cela sans oublier les droits de succession, eux aussi fort lourds en Belgique. Même si on peut en partie les esquiver grâce à des donations qui, elles, bénéficient au contraire de taux très avantageux. Au total, oui, le patrimoine est bel et bien taxé, et depuis longtemps !

Le grand débat sur la non-taxation du capital par rapport à la lourde taxation des revenus du travail est-il dès lors sans objet ? Non, mais à condition de viser juste : ce qui est en cause, ce n’est pas l’épargne, même très conséquente, accumulée au cours d’une vie, mais les patrimoines très importants qui bénéficient (trop) facilement de structures juridiques (trop) avantageuses. La question est même plus cruciale qu’hier puisque, aujourd’hui, ce sont les « pauvres » (façon de parler, vous l’avez bien compris...) qui sont taxés sur leur capital. Comment ? Tout simplement parce que les placements de base rapportent beaucoup moins que l’inflation. Et cette « taxe » n’est pas de 0,15 %, mais de l’ordre de 1,5 % à 2 %, soit au minimum 10 fois plus. En 2017, comme déjà en 2016, les détenteurs de carnets de dépôt ont ainsi perdu 5 milliards. Et comme la Banque centrale européenne l’a laissé entendre à nouveau à la fin de l’an dernier, les taux devraient rester au plancher jusqu’à la fin de cette année. Personne n’en mourra, mais il ne faudrait quand même pas que cela dure trop longtemps...

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