© War Heritage Institute

1918-1928 : après la Grande Guerre, y a quoi ?

Que s’est-il passé après la signature de l’Armistice ? L’exposition  » Au-delà de la Grande Guerre : 1918-1928  » revient sur la fin du premier conflit mondial et les années qui ont suivi. Une époque méconnue et contrastée, oscillant entre espoirs et traumatismes, joies et drames. A découvrir au Musée de l’Armée !

Bel effort de pédagogie que celui entreprit par le War Heritage Institute ! Alors que le centenaire de l’Armistice approche à grands pas, le Musée de l’Armée propose depuis peu une exposition consacrée à la période charnière de l’après-guerre. Soit environ 1.200 pièces exposées et sept thématiques, destinées à rendre claire une époque rarement abordée et, il faut le reconnaître, compliquée à plus d’un titre.

C’est que la Première Guerre mondiale ne se conclut pas par un soudain happy end le 11 novembre 1918 ! Au sortir du conflit, l’Europe est un continent profondément meurtri qui cherche à panser ses blessures, tout en éprouvant des sentiments parfois contradictoires : les années 20 sont certes marquées par un retour à une certaine insouciance – ce sont les Années folles de Joséphine Baker -, mais aussi par un difficile processus de deuil – les veuves, orphelins et mutilés se comptent par millions – et de lourdes tensions géopolitiques. Dès 1920, le Maréchal Foch estime d’ailleurs que « ce n’est pas une paix, c’est un armistice de vingt ans » qui a été signé lors du Traité de Versailles. A raison : lorsqu’il prononce ces mots, les germes du de la Seconde Guerre mondiale sont déjà bien présents... Parmi ceux-ci, on retrouve le mythe tenace d’une armée allemande invaincue en 1918, trahie par les politiciens de l’arrière.

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1918 : l’année de tous les dangers

Pour comprendre ce mythe, l’exposition débute intelligemment par un chapitre consacré à la dernière année de guerre. Début 1918, la situation n’est pas brillante pour les armées alliées : ayant mis au point de nouvelles techniques de combat, les Allemands parviennent à briser le front, avant d’être difficilement contenus par les alliés. Les deux camps sont à bout de souffle lorsque les alliés lancent une contre-attaque de la dernière chance, au début de l’automne. La situation de l’Armée belge est alors particulièrement critique : dans un courrier, le général Gillain, chef d’Etat-Major, signale qu’en cas d’échec de la contre-offensive, les troupes belges ne seront plus à même de tenir leur portion du front. Mais au prix de lourdes pertes – plus de 3.000 morts côté belge – les lignes allemandes sont à leur tour enfoncées. Elles reculent jusqu’en novembre 1918. Lorsqu’est signé l’Armistice, « les Allemands occupent encore plus de la moitié du territoire belge et le coin nord-est de la France« , d’où l’impression qu’ils n’ont pas été vaincus. Mais en réalité, la situation économique, sociale, diplomatique et politique de l’Allemagne était devenue intenable. L’état de l’armée allemande n’était guère plus brillant : faute de matière première, elle en était réduite à utiliser des havresacs en fibres d’orties ou des roues de voiture en osier, visibles dans l’expo. Le cessez-le-feu était inévitable...

1918-1928 : après la Grande Guerre, y a quoi ?
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Après le départ progressif des troupes allemandes – et quelques mutineries révolutionnaires parmi celles-ci, notamment à Bruxelles – vient l’heure du bilan. Les différents panneaux et documents disséminés sur le parcours dressent un tableau sombre de la Belgique après sa libération : plus de 70.000 bâtiments détruits, presque plus de ponts, une population malnutrie et frappée par les épidémies... Sans compter les nombreuses rancoeurs et frustrations qui éclatent au grand jour : 14-18 a aussi vu son lot de femmes tondues et de vengeances populaires... Dans une vitrine, on découvre l’album d’une jeune fille, posant fièrement (amoureusement ?) avec des soldats allemands. Quel a bien pu être son sort ?

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Une « fausse paix »

L’exposition revient ensuite longuement sur le processus ayant abouti à la signature des traités de paix – l’occasion d’apprendre que Versailles n’est pas le seul traité ayant mis fin à la guerre – et les bouleversements géopolitiques qu’ils ont entraînés. Parmi ceux-ci, quantité d’entités nouvellement créées ou rabotées poseront problème tout au long du XXe siècle, voire toujours à l’heure actuelle : les Pays Baltes, la Yougoslavie (alors baptisée Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, détaché de l’ancien empire austro-hongrois), l’Irlande (qui proclame son indépendance en 1916 mais perd ses comtés du nord), la partition de l’Empire Ottoman (avec division de la zone arabe, dont la Palestine, en zones d’influence franco-anglaises), l’occupation de la Ruhr, la révolution bolchevique... La matière, bien que passionnante, s’avère ici assez compliquée à appréhender et aurait peut-être pu bénéficier d’une scénographie un peu plus poussée. Heureusement, une carte multimédia permet de résumer l’ensemble des vitrines en une courte vidéo, finalement bien plus claire pour le visiteur.

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La Belgique d’après

La suite du parcours est plus prenante et permet de découvrir la Belgique d’après le conflit. C’est l’époque des premières cités-jardins – construites à la va-vite pour pallier aux logements détruits durant le conflit – et des vagues d’immigration italo-polonaises, des russes exilés. Mais aussi de la réhabilitation des anciens champs de bataille, de l’accélération du Mouvement flamand, de la glorification des héros de guerre et du deuil. La guerre a fait plus de 60.000 victimes et quantité de veuves, d’orphelins, d’éclopés. Parmi les pièces exposées, on retiendra ces lettres de parents ou d’épouses cherchant la dépouille d’un enfant ou d’un conjoint disparu. Dans celles-ci, le ton est poli, tout en retenue, mais masque mal le chagrin de l’envoyeur.

L’espace d’un instant la gorge se noue, mais l’exposition se termine – et c’est bienvenu – sur une note positive et enjouée : bienvenue dans les Années folles, avec ses cabarets, son style Art déco, l’abstrait, l’électrification, le look garçonne et les voitures Minerva. Le tout, bien évidemment, sur des airs de jazz, de fox-trot et de tango... « Dynamisme et modernité, exubérance et créativité caractérisent l’effervescence des années 1920« . Comme tout semblait possible à l’époque ! Un dynamisme et un optimisme mis à mal à peine une décennie plus tard, par quelques lugubres personnages... Mais ceci est une autre histoire !

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Au-delà de la Grande Guerre : 1918-1928 : War Heritage Institute – site du Musée royal de l’Armée, parc du Cinquantenaire, à Bruxelles, jusqu’au 22 septembre 2019. Plus d’infos : www.klm-mra.be

On a aimé

  • La période abordée, passionnante.
  • La richesse et la consistance de l’exposition : le tour d’horizon de l’Europe et de la Belgique est complet, abondamment illustré de documents et d’objets.
  • Le billet d’entrée donne accès à l’ensemble des collections du musée : de quoi refaire un tour dans l’immense salle consacrée à 14-18 avant de visiter l’expo...
  • Le livre tiré de l’exposition, loin d’être un simple catalogue, s’avère une précieuse mine d’informations.

On a un peu moins aimé

  • L’exposition a été montée dans une certaine urgence et cela se sent : la scénographie aurait pu être un peu plus poussée et améliorée, surtout dans ses parties « complexes » (e.a. le chapitre consacré à la géopolitique), où la lisibilité est compliquée. Par rapport à la précédente exposition temporaire créée pour le centenaire de la Première Guerre mondiale, la différence de qualité est notable, sans pour autant donner ici un résultat rébarbatif.
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Du whisky pour les enfants et un cycle de conférences

  • L’exposition possède plusieurs niveaux de lecture et les plus jeunes pourront la parcourir avec Whisky, brave toutou ayant vécu dans les tranchées de l’Yser et proposant une visite/des activités adaptées aux enfants.
  • Dans le cadre de cette exposition temporaire, le War Heritage Institue propose un cycle de conférences, chacune abordant une facette de l’après-guerre. Les conférences ont lieu un dimanche matin/mois entre 10h30 et 12:00. Les auditeurs ont ensuite l’occasion de visiter librement l’exposition « Au-delà de la Grande Guerre ». Programme complet disponible ici.
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