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Sur la route des vins wallons

Les vins wallons sont en plein boom : anecdotiques il y a vingt ans, ils gagnent désormais en professionnalisme et en qualité. L’occasion de parcourir les vignobles du sud du pays en voiture, entre grands crus, exploitations familiales et paysages bucoliques.

Dalhem, en Pays de Herve. A deux pas de l’un des anciens forts de Liège, se cache une petite pépite. Sur un vallon très pentu, un vignoble s’ouvre sur un paysage de bocages où se mêlent pâtures, haies et bosquets lointains. Accrochées au sol pierreux, les vignes tracent des lignes de perspective et rajoutent une touche esthétique à un point de vue déjà imprenable. Au milieu des sarments, Benoît Heggen, propriétaire du « Domaine des Marnières », s’active sans cesse. Le vigneron ne tient pas en place et ne peut s’empêcher de soigner ses plantes en même temps qu’il discute. Il y a toujours une zone à éclaircir, des feuilles tachées à ôter, des branches à tailler... »C’est que, pour obtenir un bon vin, il ne faut jamais laisser la vigne en paix, il faut la forcer à réagir« , croit bon de préciser Brigitte Tack, qui m’a amené sur ce coteau à l’écart des sentiers battus. Créatrice de la société Wines in Belgium, cette passionnée d’oenologie et guide nature propose depuis quelques années des escapades personnalisées dans les vignobles de Wallonie et, plus globalement, de Belgique (voir encadré). Une intermédiaire bien utile pour quiconque désire découvrir le paysage vinicole wallon : si le vin du sud du pays connaît actuellement une belle progression, le tourisme oenologique n’en est encore qu’à ses débuts. Mieux vaut donc passer par quelqu’un connaissant personnellement chaque vigneron, afin de ne pas trouver porte close et d’accéder, comme ici à Dalhem, à de belles découvertes insoupçonnables ou habituellement inaccessibles au public.

Pour pousser correctement, la vigne a besoin d’un type de sol bien exposé, à la composition particulière et aérée, qui lui permettra de développer ses racines jusqu’à plusieurs dizaines de mètres sous terre. Il n’est pas possible de faire du raisin vinifiable n’importe où ! La plante se plaît particulièrement dans les sols argilo-calcaires ou de schiste carbonifère qu’on retrouve le long des sillons de la Sambre et de la Meuse. Sans trop de surprises, c’est donc là qu’on retrouve la majorité des exploitations vinicoles wallonnes. Direction le nord de Namur, où se sont installés le Domaine du Chenoy et le Domaine du Ry d’Argent. En passant par les vignes, nous apprenons le nom des cépages cultivés, souvent inconnus à nos oreilles : Solaris, Hélios, Dornfelder, Rondo... « Ce sont des cépages arrivant à maturité plus tôt, ce qui est intéressant sous nos latitudes, m’explique Brigitte Tack.L’origine de ces cépages est à rechercher dans une dynamique née en Allemagne aux alentours des années 60, et visant à réaliser de nouveaux cultivars, plus résistants aux maladies et plus adaptés à la viticulture dans les pays du nord...« Etablies dans d’anciennes fermes, les deux exploitations gardent encore l’allure artisanale de leurs débuts, mais les travaux en cours montrent bien que le vin wallon entre tout doucement dans une phase de maturité. Au moment de notre visite, le domaine du Ry d’Argent mettait par exemple la dernière main à la construction d’une toute nouvelle salle de dégustation ultra moderne, désormais terminée. En ce qui nous concerne, il est encore malheureusement un peu tôt que pour tremper nos lèvres dans la production des lieux. Mais qu’à cela ne tienne ! Nous aurons encore l’occasion de goûter quelques nectars wallons...

Sur la route des vins wallons
© Brigitte Tack
Le vin wallon, une longue histoire

Les premières traces indiscutables de viticulture en Wallonie datent du IXe siècle, à l’époque carolingienne. Les premières exploitations vinicoles sont principalement situées dans les monastères en région liégeoise, pour les besoins de l’eucharistie. Au fur et à mesure que se développent les villes, les bourgeois se mettent eux aussi à (faire) cultiver la vigne le long de la Sambre, de la Meuse et au nord de ce qui deviendra le Brabant wallon. De nombreux toponymes témoignent encore aujourd’hui du nombre important de vignes plantées au Moyen-âge : rue de la vigne, Roisin (< raisin)... Le vin n'a alors pas vocation à être exporté et est la plupart du temps consommé localement. Au XVIe siècle, le "petit âge glaciaire" (un refroidissement climatique temporaire) et l'apparition sur le marché de vins français font petit à petit décliner les vins wallons. Au XIXe siècle, la vigne disparaît presque totalement de Wallonie. Elle fait un timide retour dans les années 60, avant d'enclencher la vitesse supérieure dans les années 2000. Avec le réchauffement climatique et les nouveaux cépages adaptés, un nouvelle page de la viticulture wallonne peut désormais s'écrire... et certains n'hésitent plus à parler d'un futur Eldorado vinicole !

Mis en bouteille au château

Nous nous mettons maintenant en route vers le sud et le château de Bioul, dont les origines remontent au XIIe siècle. Ici aussi, on fait du vin. Et dans quel cadre ! Nous sommes accueillis par le régisseur, aux manières exquises, qui nous fait pénétrer dans la cour intérieure via un petit pont-levis. Sur les murs, quelques gisants encastrés rappellent le passé prestigieux des lieux. A l’arrière du château, les vignes s’étendent dans le parc, aux côtés d’un petit jardin à la française. Si les lieux sont résolument enchanteurs, qu’en est-il de la production locale ? Nous acceptons un verre de « Batte de la Reine », avec un soupçon d’appréhension. C’est qu’un précédent reportage sur le vin wallon, il y a une dizaine d’années, ne nous avait pas laissé un souvenir impérissable... Bonne surprise : le vin est très agréable, complexe, à la fois légèrement iodé et floral. Sur cette bonne note, nous quittons les lieux pour nous rendre au Château Bon Baron, à Lustin. Nous longeons d’abord les vignobles de l’exploitation, situés tout au bord de la Meuse, pour rejoindre... un zoning industriel. Changement radical de décor : exit, le château d’origine médiévale, nous voici dans une imposante structure de béton.

« Quand on parle de vin, les gens ont souvent une vision un peu mythique de grandes caves de Pierre où sont alignés des centaines de vieux tonneaux, explique d’emblée Jeanette van der Steen, maître de chai des lieux et originaire des Pays-Bas.Mais dans la réalité, la plupart des cuveries modernes, même les plus prestigieuses, sont abritées dans des bâtiments modernes comme celui-ci... » C’est moins romantique, certes, mais cela n’enlève absolument rien aux qualités du vin, qui est avant tout une question de savoir-faire. Et ici, le professionnalisme semble de mise : le vignoble est géré sans pesticides, désherbé mécaniquement, tandis que les grains sont triés à la main. Les cépages sont plus traditionnels (pinot, cabernet), mais une fois encore, le résultat est bluffant : le Chardonnay est excellent, le Muscat étonnant, très parfumé mais sans sucres résiduels. Quant aux vins rouges, ils font mentir la croyance populaire selon laquelle il est impossible de faire un bon vin de cette couleur sous nos latitudes...

Sur la route des vins wallons
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Valeureux Liégeois

Nous suivons le fleuve pour nous rendre dans l’exploitation des « Vins de Liège », à Heure-le-Romain. Sur la porte d’entrée du chai à l’architecture résolument moderne, mêlant le bois et le verre, le ton est donné : la plupart des stocks de vin mis en vente cette année sont déjà écoulés, les millésimes futurs bénéficient parfois d’une liste d’attente. Un succès étonnant, quand on sait que la création du vignoble s’est faite sur un coup de tête, par des membres d’une coopérative sociale n’ayant initialement aucune expérience dans ce domaine ! Le miracle a pourtant eu lieu, grâce à des conditions viticoles idéales, à un travail acharné et au savoir-faire d’un maître de chai français. « L’ô de craie » que nous goûtons est frais, long en bouche, et laisse poindre d’agréables arômes de fruits jaunes. Il aura suffi d’un petit voyage d’une journée, émaillé de rencontres avec les producteurs, pour nous réconcilier avec le vin wallon : les vignobles méritent souvent le coup d’oeil, chaque domaine possède son histoire savoureuse, faite de passion et de travail. Et, dans le verre, pas de doute : cela se goûte !

Sur la route des vins wallons
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Pratique

>> Wines in Belgium réalise des excursions à la carte mêlant visites de domaines, dégustations de vin, balades nature et/ou patrimoniales, pour groupes particuliers ou d’entreprises, dans toutes les régions vinicoles de Belgique. Compter 50 à 250a/personne, tout compris. Plus d’infos : www.winesinbelgium.be.

>> Wallonie-Belgique Tourisme a édité en 2017 une « Route des vins et spiritueux de Wallonie » téléchargeable en ligne. Elle indique les types de vins réalisés dans chaque exploitation, les possibilités de visites, etc. Infos : http://walloniebelgiquetourisme.be> J’aime> Route des vins et spiritueux.

>> Liste des vignobles visités :

Domaine Les Marnières, Warsage

Domaine du Chenoy, La Bruyère

Domaine du Ry D’argent, Bovesse

Château de Bioul, Bioul

Château Bon Baron, Sorinnes

Vin de Liège, Heure-le-Romain

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