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Bien prendre ses médicaments : 9 conseils de pharmaciens

La prise des médicaments n’est pas toujours aussi simple qu’il n’y paraît. Pour éviter les erreurs et les mauvaises habitudes, voici les conseils de deux pharmaciens.

Lorsqu’on prend ses médicaments de manière adéquate, on permet aux molécules actives de développer leur effet maximum. C’est pourquoi les conseils du pharmacien peuvent valoir de l’or. Voici 9 questions qui leur sont fréquemment posées...

1 Je prends chaque jour plus de cinq médicaments différents. Comment faire pour m’y retrouver ?

Dirk Vos et Yolande Daenen, pharmaciens : Aux Etats-Unis, on vient de commercialiser des gélules intelligentes qui contiennent un minuscule capteur. Quand on en avale une, elle envoie un signal que capte un sparadrap collé sur la peau. La prise du médicament est ainsi enregistrée et le médecin peut s’assurer que son patient suit correctement son traitement. En Belgique, nous n’en sommes pas encore là.

Chez nous, le mieux est de demander au pharmacien d’établir un schéma de traitement par écrit : tel médicament doit être pris en telle quantité, à tel moment de la journée, matin, midi ou soir. A jeun, pendant ou après un repas... Vous pouvez afficher ce schéma à un endroit de passage, bien en vue – par exemple sur la porte du réfrigérateur – ou le remettre à l’aidant proche ou aux équipes d’infirmiers qui viennent à domicile. Il peut suivre le schéma à distance. Le pharmacien peut ainsi vous signaler si vous prenez une nouvelle dose trop tôt ou trop tard. Le manque de régularité peut avoir des conséquences graves dans le cas des antihypertenseurs, par exemple. Des études ont démontré que ce type de contrôle augmente la compliance, c’est-à-dire le bon suivi des traitements médicamenteux.

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Si vous avez du mal à vous conformer au schéma, un pilulier intelligent peut s’avérer utile : il évite de devoir jongler avec les emballages et contient la dose journalière dans un seul compartiment. Autre moyen pratique : créer des rituels. Observez vos habitudes. Le matin, pour ne pas oublier vos médicaments, rangez-les à côté du pain ou de la machine à café, par exemple. Il existe aussi de nombreuses apps  » mémo « . Elles sont pratiques, du moins si vous ne devez pas prendre trop de médicaments différents. Les développeurs planchent sur des apps qui conviendraient à ceux qui doivent prendre chaque jour cinq comprimés ou plus. L’idéal serait une app capable de scanner et d’enregistrer le code QR d’un médicament dès qu’on l’a pris.

2 J’ai oublié de prendre un ou plusieurs médicaments. Dois-je le(s) prendre dès que je m’en rends compte ou prendre une double dose?

Tout dépend du type de médicament. Il faut absolument éviter de prendre un médicament pour une maladie chronique de manière irrégulière. En particulier les antihypertenseurs qui détendent les artères et vaisseaux sanguins mis sous pression par de l’hypertension artérielle. Si vous oubliez votre médicament un jour, le corps va réagir en augmentant encore plus la tension. Or, c’est cette alternance pression/relâchement qui est néfaste pour les artères. Si vous avez oublié de prendre votre traitement le matin, prenez-la à midi. Idem en ce qui concerne les anticoagulants qui fluidifient le sang et préviennent les caillots : une prise irrégulière provoque des fluctuations sanguines. Il en va autrement de l’insuline prescrite contre le diabète. Si vous avez oublié de prendre un médicament et que vous vous en rendez compte avant le repas suivant, ne le prenez pas avec retard. En cas de doute, téléphonez à votre médecin ou à votre pharmacien. Oublier un jour ses statines (contre le cholestérol) ou ses hormones thyroïdiennes n’est pas très grave. Si vous les oubliez pendant deux jours d’affilée ou plus, vous ne tarderez pas à vous en rendre compte parce que certains symptômes risquent de refaire surface.

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3 Quand vaut-il mieux prendre ses médicaments : à jeun, avant ou après les repas?

Pour certains médicaments, peu importe. En revanche, les traitements thyroïdiens doivent se prendre à jeun, de préférence 20 minutes avant le petit déjeuner et le brossage des dents. Les principes actifs se lient fortement aux aliments et aux minéraux comme le magnésium, le fer et le calcium. Les hormones thyroïdiennes ne peuvent pas les assimiler en même temps. Résultat : le traitement perd en efficacité. Parmi les autres médicaments à prendre de préférence à jeun, citons le fer et les antiacides (IPP ou inhibiteurs de la pompe à protons). Ces derniers doivent passer le cap de l’estomac et arriver dans le sang avant de pouvoir contrer la production d’acide gastrique. Les anti-émétiques (anti-vomissements et nausées) se prennent également avant de manger.

Les bisphosphonates (traitement de l’ostéoporose) sont très difficiles à assimiler et se lient à toutes sortes de composants. Mieux vaut les prendre à jeun, au moins une demiheure avant de boire ou manger quoi que ce soit d’autre. Y compris l’eau : évitez l’eau minérale, limitez-vous à celle du robinet. Les compléments à base de vitamines et de minéraux sont assez peu digestes. Mieux vaut les consommer en mangeant, le matin ou le midi. Les inhibiteurs calciques (des médicaments souvent prescrits en cas de problèmes cardiovasculaires et dont le nom générique se termine en dipine, comme le plus connu l’ Amlodipine) se prennent de préférence le soir, surtout en été. Ils peuvent faire gonfler les pieds : c’est moins gênant quand on est couché. D’anciennes classes d’antihistaminiques qui peuvent provoquer de la somnolence doivent, eux aussi, se prendre plutôt le soir. Sinon, pour nombre de médicaments, peu importe le moment où on les consomme. Si vous devez en prendre plusieurs, prenez-les en même temps, de préférence après le repas. Vous éviterez qu’ils ne vous pèsent sur l’estomac ou qu’ils influencent votre appétit. Les médicaments pris avant de manger sont plus vite assimilés mais cet avantage peut s’accompagner de crampes ou de lourdeur d’estomac.

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4 Doit-on prendre ses médicaments avec de l’eau ou peut-on le faire avec du café ou une autre boisson ?

En général, mieux vaut privilégier l’eau. Mais il y a des exceptions. Pour lutter contre la douleur, le paracétamol (sous forme de cachets) se prend de préférence avec du café ou de l’eau gazeuse. Le café (pas le décaféiné !) présente un double avantage : c’est une boisson chaude qui aide le cachet à se dissoudre et dont la caféine augmente l’effet du paracétamol. Un Coca peut aussi faire l’affaire...

Si vous prenez des antihypertenseurs, oubliez le café : la caféine augmente la tension. Après avoir fait un bain de bouche, mieux vaut attendre dix minutes avant de boire quoi que ce soit. On pourrait être tenté de boire immédiatement quelque chose pour faire passer le (mauvais) goût mais on coupe alors les effets du bain de bouche qui finit dans l’estomac au lieu d’agir sur la paroi buccale. Le calcium, lui, se consomme de préférence avec une boisson gazeuse : cela acidifie le calcium qui, du coup, est plus facilement absorbé et digéré.

Le jus de pamplemousse, lui, contient une substance qui inhibe l’absorption des médicaments. L’organisme est exposé plus longtemps à des concentrations accrues de médicaments, ce qui peut provoquer des effets secondaires. Avec les statines, on n’est pas à l’abri de douleurs musculaires.

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5 Y a-t-il des associations de médicaments et d’aliments (ou compléments alimentaires) à éviter absolument ?

Certains types d’antibiotiques perdent jusqu’à 30 % de leur efficacité si on les consomme en même temps que des compléments à base de calcium ou de magnésium. Le juste dosage est primordial, sans quoi il ne sert à rien de prendre des antibiotiques. Tant qu’on est sous antibiotiques, mieux vaut suspendre sa cure de multivitamines, de magnésium ou de calcium, et cesser de consommer des produits laitiers pendant une semaine ou attendre au moins quatre heures après la prise de l’antibiotique. Il peut être dangereux d’associer prise de médicaments et millepertuis (herbe de la Saint-Jean). On prescrit souvent cette plante (en vente libre) contre les légers accès de dépression. Or, elle peut annihiler les effets d’une série de médicaments. Le millepertuis accélère la décomposition des comprimés ou des gélules dans l’organisme. On parle d’ailleurs de  » bébés millepertuis  » pour les enfants conçus par des femmes sous contraceptifs qui n’ont pas fonctionné.

Autre cocktail à éviter absolument, les extraits ou compléments alimentaires à base de gingembre lorsqu’on souffre de problèmes biliaires, ainsi que le thé vert en cas de traitement contre l’hypertension ou la coagulation. Le foie ne parvient pas à assimiler en même temps le paracétamol et l’alcool – il traite en priorité l’alcool. Si vous avez trop bu et que vous prenez du paracétamol avant de vous coucher, attendez six heures avant de prendre un autre comprimé, afin de ménager votre foie.

6 Ce n’est pas toujours facile d’avaler un médicament : puis-je le rompre ou l’écraser ?

Ecraser des comprimes est rarement une bonne idée et carrément à éviter dans le cas des gélules ou de médicaments à effet retard (par ex. les antidépresseurs ou l’insuline). Si vous écrasez un cachet d’insuline, les substances actives seront libérées d’un coup et vous risquez le surdosage.

Les effets ne sont pas les mêmes si vous ouvrez une gélule ou cassez un comprimé. Si ce dernier est rainuré, vous pouvez le couper en deux : chaque moitié contient la même quantité de substances actives. S’il n’y a pas de rainure, ce n’est absolument pas certain. Les comprimés pelliculés, comme les IPP, ne peuvent pas être scindés : le film protecteur sert précisément à libérer l’ensemble des actifs dans l’estomac. Si la substance est absorbée avant, elle n’est plus active.

Si vous n’aimez pas avaler des médicaments, songez aux comprimés effervescents, aux sachets ou au sirop. Un peu de yaourt ou de confiture peut aider. Quand on peine à avaler un médicament, c’est souvent parce qu’on s’y prend mal. Trop de gens ont tendance à incliner la tête en arrière, ce qui contribue à resserrer l’oesophage. Il faut avaler un médicament en se tenant bien droit.

7 Sous quelle forme un antidouleur agit-il le plus vite ? Sous forme de gélule, de comprimé à laisser fondre, de comprimé effervescent... ?

Il y a peu de différence entre un comprimé à laisser fondre et un comprimé classique. Les comprimés effervescents agissent deux fois plus vite, mais ils sont riches en sel. Si vous en consommez quotidiennement, vous risquez des problèmes d’estomac et de tension artérielle. Vous pouvez remplacer ce type de comprimé par un cachet à laisser fondre sur la langue et faire suivre d’un gargarisme à l’eau. La rapidité d’action sera quasi la même qu’avec un comprimé effervescent mais sans le sel.

8 Comment faut-il conserver ses médicaments?

La pharmacie familiale se trouve souvent dans la salle de bain ou dans une armoire de cuisine au-dessus de la hotte. Ces endroits chauds et humides sont loin d’être idéaux. La plupart des médicaments doivent être stockés au sec, à température ambiante. Une autre mauvaise habitude consiste à sortir tous les comprimés de leur blister. Résultat, on ne sait plus à quoi ils servent et on les conserve parfois mal.

9 Puis-je utiliser les médicaments de mon conjoint ou de mes enfants ?

Mieux vaut ne pas consommer de médicaments que ont été prescrits à quelqu’un d’autre. Ce qui convient à votre conjoint ne vous conviendra pas forcément. Des médicaments aussi courants que l’ibuprofène (anti-inflammatoire) ou l’aspirine peuvent provoquer des difficultés respiratoires à quelqu’un qui a de l’asthme. Un même symptôme, comme des douleurs musculaires, peut avoir des causes très variées. En prenant des médicaments destinés à une autre personne, on risque de mal se soigner et d’aggraver son cas. Ceci dit, les pommades (usage externe) et certains médicaments comme le lopéramide (contre la diarrhée) ou le paracétamol peuvent être partagés sans problème.

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