Anne Vanderdonckt

2018 : le vinaigre est dans la salle de bains

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

« Le nettoyage à l’ancienne, c’est comme le retour des vinyles, des polaroïds, du tricoté main ou de la pêche au thon et de l’oeuf mayonnaise, c’est juste du bonheur qui nous revient en boomerang. Et du bonheur, c’est tout ce qu’on vous souhaite pour 2018. »

Mais ils sont tous devenus fous !  » Je suis certaine que c’est ce que s’exclamerait ma grand-mère en nous voyant récurer, à grand renfort d’huile de bras et de patience, nos sanitaires au vinaigre, au citron et au bicarbonate de soude, ravis comme de petits citadins découvrant que le lait ne provient pas d’un Tetra Brick.

Les recettes de grands-mères, très peu pour nos grands-mères qui, après avoir passé leur jeunesse à s’écorcher les mains à force de frotter, ont adopté avec délice tous ces produits ménagers qui vantaient la propreté comme par magie. Et qui en plus, sentaient bon la fleur artificielle ou la pomme verte, très verte.

La cave à provisions de ma grand-mère débordait de savon en paillettes datant sûrement de l’après-guerre. J’éternue encore au souvenir de l’odeur fade et envahissante de ce tas indomptable s’échappant d’une armoire à glissière que mon frère et moi avions transformée en piste de ski pour poupées. Et qui n’a plus jamais trouvé d’autre usage. Pour la lessive, ma grand-mère achetait des barils de poudre, Omo, Persil, Dash... en fonction du petit jouet promotionnel offert  » gratis « . Elle, elle avait plongé joyeusement dans la société de consommation, accueilli avec enthousiasme tous les progrès et ne nourrissait aucune nostalgie romantique à la vue de draps mis à blanchir sur une pelouse. Vive le polyester sans repassage ; à bas le lin et le 100 % coton ! L’écologie n’était encore ni une mode ni une nécessité.

Désormais, les stars s’épanchent sur la meilleure manière de vinaigrer le calcaire dans les lieux d’aisance. Et les égéries de grandes marques de cosmétiques vantent les fabuleux exfoliants faciaux au bicarbonate de soude. Le nettoyage à l’ancienne, inspiré par Pinterest et Instagram, est désormais un gage de branchitude.

Ai-je moi-même cédé à cette mode que je vous décris, un tantinet moqueuse? Bien sûr ! Parce que ça fonctionne, et bien ! Vous devriez voir les surfaces en inox de ma cuisine : de véritables miroirs ! Et ma salle de bains ? Etincelante ! Je suis fière comme une paonne au point de me transformer en véritable prosélyte. Quand je sors de la grande surface avec toutes mes bouteilles de vinaigre blanc (0,49? le litre et demi, en plus, cela ne coûte rien), je suis Batwoman partant sauver la planète. Je fais la nique à la société de consommation qui nous ponctionne le porte-monnaie avec ses Black Friday et autres jours fous (mais pas au point de renoncer aux soldes de janvier, à chacun ses contradictions). Je me réfugie dans ce cocon douillet de tranche de vie à l’ancienne qui, le temps d’un passage de serpillère imbibée de vinaigre, me fait oublier la noirceur des infos et les incertitudes contemporaines. Le nettoyage à l’ancienne, c’est comme le retour des vinyles, des polaroïds, du tricoté main ou de la pêche au thon et de l’oeuf mayonnaise, c’est juste du bonheur qui nous revient en boomerang. Et du bonheur, c’est tout ce qu’on vous souhaite pour 2018.

Contenu partenaire