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À vélo au boulot: les bonnes raisons de s’y mettre

Vous pensez que se rendre au travail à vélo c’est trop dangereux, trop lent et peu pratique ? Ce n’est pas l’avis des amateurs de la petite reine qui sont de plus en plus nombreux à pédaler pour aller travailler ! Pour eux, leur vélo, c’est leur liberté !

Les embouteillages sont de plus en plus inextricables. Partout dans le pays, sauf en Région bruxelloise, le nombre de ceux qui privilégient la voiture pour rejoindre leur travail reste stable. Pourtant, le baromètre de la mobilité d’Acerta RH enregistre une réelle augmentation du nombre de navetteurs à vélo. 11% des Bruxellois sillonnent la capitale pour se rendre au travail. En Wallonie, personne ou presque n’utilise sa bécane hors loisirs. Mais dans le Brabant wallon, très embouteillé, le vélo se gagne du terrain : 3,6 % des travailleurs disent l’utiliser, alors que l’année passée, ils n’étaient que 2,9 %. En Flandre, surtout en province d’Anvers, 1 navetteur sur 5 saute en selle chaque matin.

Les équipes de Bike to Work, le programme national de motivation du Fietsersbond et du Gracq destiné aux patrons comme aux employés, peuvent témoigner d’une nette évolution. « Il y a neuf ans, lorsque nous avons lancé cette initiative, il fallait faire le forcing auprès des employeurs pour espérer faire passer notre message. Aujourd’hui, on a du mal à répondre à la demande « , se réjouit Dieter Snauwaert, coordinateur. Le message en question consiste à inciter les chefs d’entreprises à mettre en place un plan d’action cycliste.  » Nous avons remarqué que l’indemnité vélo est une bon incitatif. Les patrons peuvent choisir de verser aux employés qui se rendent au travail à vélo une indemnité kilométrique de 0,23 euro/km. Mais à côté de cette carotte, l’aspect santé joue aussi. Les gens font ce choix pour rester en forme.  » Quand on sait que près de 70 % des travailleurs vivent à 20 km maximum de leur lieu de travail, on se dit que de nombreux autres navetteurs pourraient abandonner leur voiture au profit de la bicyclette. Alors pourquoi ne le font-ils pas ? Petite liste non exhaustive de leurs excuses...

J’habite trop loin de mon boulot

 » En partant du principe que les gens sont prêts à faire environ une demi-heure de vélo pour aller au travail, cela veut dire qu’avec un vélo classique vous pouvez parcourir 7 km, analyse Dieter Snauwaert. Avec un vélo électrique (vitesse jusqu’à 25 km/h) vous pouvez faire 15 km et avec un speed pedelec (45 km/h) avaler jusqu’à 25 km. Indéniablement, c’est le vélo électrique qui a convaincu plus de gens d’aller au travail en pédalant. L’e-bike a mis ce mode de transport à portée du plus grand nombre. « 

J’ai peur d’arriver en nage

Sur un vélo électrique, cet argument ne tient pas : c’est du sport, certes, mais on ne transpire pas. Sur un vélo classique, en revanche, il faut être patient.  » Les deux ou trois premières semaines, on transpire un peu, remarque Dieter Snauwaert. Le corps doit s’habituer à l’effort. Mais, petit à petit, on trouve son rythme et on dose l’effort jusqu’à ne plus transpirer ou presque.  » On peut aussi se munir de vêtements de rechange. Certains employeurs mettent des douches à disposition. Mais d’expérience, assure-t-on chez Bike to Work, les cyclistes n’en demandent pas tant.  » Les navetteurs à vélo ont surtout besoin d’un casier pour ranger leur casque et leur tenue, et d’un espace où faire sécher leurs vêtements en cas d’averse. « 

Il pleut trop souvent

 » Cette affirmation est très relative, raconte un cycliste qui parcourt chaque jour près de 25 km aller/retour à vélo et tient un journal. L’année passée, il a plu lors de 7,5 % de ses trajets, soit moins de deux jours par mois. Le vent est bien plus gênant. Mais les jours très venteux se comptent sur les doigts d’une main. « 

Le vélo, c’est dangereux

En 2017, on a déploré en Belgique 41 accidents de vélo mortels pour 247 décès en voiture dans un accident de la route. Certes, les cyclistes représentent 24 % des blessés de la route.  » Les pistes cyclables laissent souvent à désirer, admet Stef Willems de l’institut Vias. Le cycliste a intérêt à trouver le chemin le plus sûr pour se rendre à son travail. Il faut donner la préférence aux pistes cyclables en site propre et aux croisements avec feux de signalisation. Cela vaut parfois la peine de faire un petit détour pour éviter les endroits dangereux.  » Respecter le code de la route, veiller à être bien visible et avoir un vélo parfaitement en règle techniquement, voilà les trois règles d’or pour pédaler avec un maximum de sécurité entre son domicile et son bureau.  » Il est inutile de se déguiser en arbre de Noël. Nous ne sommes pas partisans des gilets fluo. Ce n’est pas parce que vous circulez à vélo que vous devez à tout prix vous faire remarquer au milieu du trafic, insiste Dieter Snauwaert. Mais il faut être visible. Votre vélo doit être équipé de phares et de catadioptres. Et mieux vaut bien sûr porter une tenue colorée plutôt que du noir. « 

Un vélo, ça se vole facilement

En Belgique, on vole 100 vélos chaque jour. Si vous pouvez garer votre vélo en toute sécurité sur votre lieu de travail – il y a souvent un local dédié à cet effet – ou dans un parking à vélos surveillé à la gare, c’est un bon point. Si vous devez laisser votre vélo en rue, choisissez un endroit au sec et abrité des regards. Attachez un canedas chaîne au cadre de votre vélo et fixez-le à un point ancré dans le sol : poteau, rangevélos...  » Souscrire une assurance vol est une bonne idée, conseille Dieter Snauwaert. Ce n’est pas agréable de découvrir que son vélo a disparu mais, au moins, on est indemnisé.  » Cette année, l’asbl Traxio lance le Vélo-Pass, un registre national avec banque de données centralisées et QR code sur le vélo. C’est un excellent outil pour tracer la provenance d’un vélo, suivre ses entretiens, et lutter contre le vol.

A vélo, on ne peut pas véhiculer ses enfants ou faire des courses

 » Ce sont des excuses valables mais elles sont parfois dues à un manque d’information, estime Dieter Snauwaert. Il est vrai qu’on ne peut pas transporter autant de choses sur son vélo que dans une voiture mais un vélo (électrique ou non) avec remorque ou panier avant offre déjà un beau volume. Quant aux courses, on peut facilement les faire livrer à domicile. On peut conduire ses enfants à l’école chacun sur son vélo. Il existe des systèmes de tandem conçus pour accompagner un petit qui ne serait pas (encore) autonome dans le trafic. « 

On fait le plein de pollution

En 2012, l’Université d’ Hasselt a suivi, pendant une semaine, un panel de volontaires équipés d’un appareil de mesure black carbon (pour les particules fines, comme celles du diesel) lors de leurs déplacements. Résultat : les plus exposés à la pollution sont les conducteurs de voiture, leurs passagers et les usagers de bus. A pied et à vélo, l’exposition était environ deux fois moindre. Tout dépend, bien sûr, du trajet, de votre rythme respiratoire et de la durée de l’exposition. Sur un trajet donné, un cycliste actif respire deux fois plus d’air pollué qu’un automobiliste passif. Les cyclistes ont donc intérêt à fuir les rues embouteillées. Plusieurs études ont, par ailleurs, démontré que les inconvénients de la pollution sont largement compensés par les avantages de la pratique cycliste. Enfin, plus il y aura de vélos dans les rues, plus la part des voitures polluantes diminuera...

Automobilistes et cyclistes doivent trop souvent partager la route

Quand cyclistes et automobilistes doivent partager la voirie, cela peut provoquer des tensions. Les premiers pestent contre les seconds. Et inversement. C’est ce qui ressort d’un sondage mené conjointement par Vias et le Gracq (asbl Cyclistes Quotidiens). Les principales doléances des cyclistes vis-à-vis des automobilistes ? Le fait d’ouvrir tout à coup sa portière sans regarder, de se parquer sur une piste cyclable et de rouler en frôlant de trop près les cyclistes. De leur côté, les automobilistes s’irritent des vélos qui roulent tous feux éteints, qui empruntent la route alors qu’il y a une piste cyclable ou qui roulent à deux de front.

 » Ces mouvements d’humeur démontrent que les uns et les autres ont tendance à réagir de manière égocentrique. Chacun veut aller le plus vite possible et pense à sa petite personne,  » analyse Ludo Kluppels, psychologue de la circulation chez Vias. Chacun observe le monde par son bout de la lorgnette et oublie – ou n’est pas capable – de se mettre à la place de l’autre. En tant que cycliste, quand on voit une voiture, on part du principe que le conducteur nous a vu, or ce n’est pas toujours le cas.  » Ceci dit, les cyclistes ont le droit d’exiger d’occuper la voie publique.  » Cela débouche parfois sur des situations où les automobilistes s’imaginent que les cyclistes veulent leur barrer le chemin ou refusent de se laisser dépasser. Mais vouloir dépasser dans une rue étroite implique bien souvent qu’on ne puisse pas garder la distance de sécurité d’un mètre entre la voiture et le vélo. Ce qui explique que le cycliste prenne ses aises pour empêcher la voiture d’opérer ce dépassement dangereux.  »  » Il faudrait plus de compréhension mutuelle, plaide Stef Willems de Vias. Les écoles dispensent, en théorie comme en pratique, des cours de code de la route à vélo. Mais le respect des règles dure-t-il ? Les cours de conduite devraient accorder plus d’attention au respect et à la compréhension mutuels sur la route. Pour être un bon usager, il ne faut pas seulement connaître son code, il faut aussi maîtriser une série de normes sociales. « 

Anneke Vercruysse, 57 ans  » J’arrive au travail de meilleure humeur « 

« L’année passée, au printemps, dans le cadre de mon travail, j’ai participé au Fietstest, une initiative de la province du Brabant flamand qui consistait à tester pendant trois semaines un vélo électrique entre le domicile et le lieu de travail. J’avoue que je n’étais pas très motivée au départ. Pour un trajet de 13 km, il me faut une demi-heure, alors qu’en voiture cela va beaucoup plus vite parce que je n’ai pas d’embouteillages. Mais je dois me garer dans un parking, puis faire un bout de chemin à pied. A vélo, j’entre directement dans un garage spécial, sur mon lieu de travail. Après ces trois semaines de test, convaincue, j’avais espéré obtenir un leasing vélo chez mon employeur. Quand j’ai compris que ce n’était pas (encore) possible, j’ai décidé de m’acheter un e-bike. Notamment sur le conseil de mon kiné. J’ai un genou affaibli et je dois le ménager. Sur un vélo électrique, même quand on ne met pas la pleine puissance, on a tout le temps l’impression d’être poussé dans le dos. Je roule facilement contre le vent et les montées ne me font pas peur.

Mais, en tant que cycliste, on remarque rapidement qu’on est un usager faible. Je respecte strictement le code de la route et je porte un gilet fluo. Pourtant, j’ai déjà dû par deux fois freiner brusquement parce qu’un camion ne m’avait pas vue. C’est une des raisons qui me fait prendre un chemin plus long. Sans quoi je devrais emprunter un morceau de route dangereuse, sans éclairage et sans piste cyclable. Je préfère pédaler dans la verdure et saluer chaque matin les moutons et les chevaux. Je ne prends la voiture que quand il fait très froid ou qu’il pleut. Quand le temps s’améliore en cours de journée, je regrette toujours de ne pas avoir pris mon vélo. Le vélo me donne la pêche et j’arrive de bien meilleure humeur au boulot. »

Dirk Dedoncker, 55 ans :  » Rouler à vélo, quel sentiment de liberté ! »

À vélo au boulot: les bonnes raisons de s'y mettre
© FRANK BAHNMÜLLER

« Il y a vingt-cinq ans, j’allais toujours à Bruxelles en voiture. Je ne me rendais pas compte qu’il y avait des alternatives. Il faut dire que j’avais une place de parking. Puis j’ai déménagé plus près de la capitale et j’ai opté pour le train. Un matin d’été, je me suis dit : Et si tu prenais ton vélo pour aller travailler ? A ce moment-là, j’étais un des rares cyclistes à Bruxelles. Il y avait très peu de pistes cyclables. J’étais parfois obligé d’emprunter le trottoir. Monter et descendre les bordures. Ça prenait des allures de parcours VTT ! Pas très confortable mais j’ai découvert comme cela de beaux endroits.

A vélo, on a un tel sentiment de liberté et d’indépendance ! On ne dépend pas des horaires de train, on fait du sport. Quand j’ai à nouveau déménagé plus loin de Bruxelles, j’ai gardé mes bonnes habitudes. Entre temps, les infrastructures cyclistes en ville se sont pas mal améliorées. On voit de plus en plus de vélos et les automobilistes s’y sont faits, si bien que Bruxelles est devenue beaucoup plus sûre pour les deux-roues.

Voici cinq ans, j’ai décidé de m’acheter un e-bike. Je mets un peu plus de temps à vélo qu’en train mais, en tout cas, ça va plus vite qu’en voiture et c’est moins stressant. Finalement, le vélo est le moyen de transport le plus fiable : on connaît précisément la durée de son trajet. Et comme on a fait son sport quotidien, cela libère du temps pour le reste. Après une journée de boulot bien remplie, rentrer chez moi à vélo me vide la tête. Je suis devenu indépendant et je travaille souvent à domicile. Je suis une formation à Diepenbeek. Je prends le train jusqu’à Hasselt et là, j’enfourche un Blue-bike. C’est un système de vélos en partage qu’on trouve dans plusieurs villes de Belgique. Pour moi, l’association train + vélo est idéale. »

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