Anne Vanderdonckt

La vraie valeur des choses

Anne Vanderdonckt
Anne Vanderdonckt Directrice de la rédaction

Anne Vanderdonckt observe la société, ses évolutions, ses progrès, ses incohérences. Partage ses doutes, ses interrogations, ses enthousiasmes. Quand elle se moque, ce n’est jamais que d’elle-même.

C’est la question traditionnelle à l’époque où les boutiques ont définitivement quitté leurs habits d’hiver : quelles sont les nouvelles tendances ?  » Les  » tendances, vous voulez dire ! Car  » nouvelles « , pas vraiment. Pastels, léopard, army, néon, grosses fleurs... Non, s’il faut pointer une vraie tendance, c’est plutôt ce mouvement qui s’ancre de plus en plus et qui nous pousse à acheter moins, jeter moins, recycler plus. Pour des raisons d’économie, d’écologie, de morale.

Soyons honnêtes, depuis que la mode, comme la déco, s’ouvre à tous les possibles de notre créativité, cette vague sociétale s’avère plus plaisante que contraignante. Quelle meilleure manière d’échapper à l’uniformité de ce que nous proposent toutes ces grandes enseignes présentes à l’identique dans toutes les villes ? On retrouve donc le chemin des boutiques de seconde main pour y puiser des merveilles pour deux fois rien, comme dans les années 80. Concession à notre époque, on le fait parfois en ligne sur des sites spécialisés. On échange aussi volontiers des pièces d’habillement avec ses amies ou ses filles. On fouine dans les brocantes à la recherche du bijou choc ou du bouton chic qui fera toute la différence. Mais surtout, on redécouvre nos propres trésors, ceux qui sommeillent, chez nous, dans nos commodes et nos placards. Et dont on ne s’est pas débarrassé en dépit de tous les conseils de rangement par le vide qui pullulent sur internet ou à la télé – Marie Kondo, la papesse du rangement, ayant désormais son émission de téléréalité. Des merveilles qu’on a gardées, donc, car trop belles. Trop chargées sentimentalement. Car on ne sait jamais, ça peut servir un jour. Car, pffff, j’ai la flemme mettre de l’ordre. Car, repfffff, je suis incapable de jeter.

On retombe ainsi sur des valeurs sûres dont on s’était lassé et qu’on va porter autrement pour leur rendre une nouvelle jeunesse. Des valeurs sûres, un trench, une veste noire, un jean droit, une chemise blanche, une marinière, c’est tout ce qu’il nous (H/F) faut. Egalement lorsque nous procédons à nos achats. De belles pièces de bonne facture choisies avec soin, qui vont traverser le temps sans subir les dégâts collatéraux des passades de la mode, ni boulocher dès la première utilisation.

Cette nouvelle manière de penser et d’acheter ne s’arrête pas à notre garde-robe : pour ne citer qu’un exemple, nous prenons un plaisir fou à repeindre nos meubles anciens dans des couleurs contemporaines (combien de tutoriels sur cette mine d’inspiration que constitue Pinterest !) ou à redonner vie aux vieux vases de nos grands-mères. Un peu de neuf, un peu de vieux. Mais dans tous les cas, quel que soit l’état de nos finances, on est désormais plus attentif à ce qu’on consomme. Fini de payer n’importe quelle somme pour n’importe quoi qui ne le vaut pas. Définitivement, on a trop de respect de soi pour continuer à se faire pigeonner de notre plein gré. Peut-être, avec toutes ces crises de différents ordres qui s’empilent, est-on en train de redécouvrir la vraie valeur des choses. Et pour en finir avec les idées reçues, plus on est riche, plus on se montre décomplexé à négocier les prix. Le nouveau chic, c’est d’avoir bien négocié ou d’avoir réalisé une bonne affaire, plus d’arborer un clinquant signe extérieur de richesse.

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