Beaucoup de Belges se rendent à Givet, en France, pour faire leurs courses. © BELGAIMAGE

Vos courses moins chères à l’étranger: les bons plans pays par pays

Les Belges font de plus en plus leurs courses à l’étranger. Comment expliquer ce phénomène ? Quels sont les avantages pour les consommateurs ? Nos bons plans, pays par pays...

Un samedi après-midi comme un autre... Cette scène pourrait très bien se dérouler dans les régions de Maastricht et Breda au Pays-Bas ou d’Aachen en Allemagne. Mais elle se joue à Givet, une petite ville française traversée par la Meuse, à un jet de pierre de la région de Dinant. Sur le parking de l’hypermarché, les voitures immatriculées en Belgique sont nombreuses, même majoritaires. Les clients ressortent de l’Intermarché avec des chariots encombrés d’eau en bouteille plastique, de produits laitiers et de caisses de vin. Leur motivation ?  » Regardez et surtout goûtez mon bon Bordeaux, il coûte 2€ de moins qu’en Belgique. Il me semble encore meilleur, commente Jean-Claude, grand sourire aux lèvres, un prépensionné de l’industrie. Il a fait, avec son épouse, un bon 40 km pour venir s’approvisionner en France. Nous venons plusieurs fois par an et nous en profitons pour bourrer le coffre de l’auto de sodas, de vins et d’eaux minérales. La différence de prix est flagrante. Nous épargnons plusieurs dizaines d’euros même en déduisant le carburant. Cela nous fait une sortie aussi. Mais tout n’est pas meilleur et moins cher ici. Je n’aime pas les viandes françaises. Nous avons de bien meilleures viandes en Belgique ! « 

Faire ses courses à l’étranger est devenu un sport national

La France s’affirme comme le paradis des eaux et des limonades. Le pack de six bouteilles coûte 2€ moins cher qu’en Belgique. En cause ? La fiscalité, entre autres. L’eau en bouteille plastique est frappée chez nous d’une taxe pour des raisons écologiques. De nombreux frontaliers s’approvisionnent donc en France. Le hic, c’est que leurs déchets se retrouvent au final dans les poubelles belges et non françaises. Le vin est également un produit d’appel. Surtout lors des actions spéciales de septembre où les hypermarchés de l’Hexagone offrent des prix sans concurrence. Auchan envoie d’ailleurs ses publicités jusqu’à... Anvers ! Outre les boissons, de nouvelles marchandises se sont ajoutées au panier de l’acheteur saute-frontière. Comme des taxes frappent certaines marchandises jetables en Belgique, les consommateurs achètent des produits dits  » pique-nique « . Là, un rouleau d’aluminium de 30 mètres d’une marque de distributeur coûte parfois 2€ de moins qu’en Belgique.

La parapharmacie en France

Dans le centre de Givet, cette fois, c’est la pharmacie de la place qui fait le plein de consommateurs belges. Un homme en sort avec de nombreux flacons de Gaviscon buvable, un médicament en vente libre et indiqué dans le traitement des reflux gastro-oesophagiens. Etrange. Une petite recherche sur des sites de pharmacies en ligne des deux côtés de la frontière va vite nous donner la réponse. Le flacon de Gaviscon 250 ml est vendu 2,67€ en France (250 ml) et 8,99€ en Belgique (300 ml).

Les produits de parapharmacie, notamment les crèmes, sont également réputés pour être nettement moins onéreux chez nos amis néerlandais. Les Pays-Bas sont certes réputés pour le prix de leur café, mais aussi pour le coût de certains médicaments. Une pilule contre les ulcères à l’estomac y est dix fois moins chère et certains antidouleurs six fois moins cher ! L’association pharmaceutique belge s’est d’ailleurs inquiétée du  » tourisme du médicament  » au pays des Bataves. Les produits technologiques (comme les téléviseurs, les ordinateurs et les smartphones) y sont aussi moins onéreux. Test-Achats avait en son temps réalisé une étude estimant que les frontaliers pouvaient aisément économiser entre 10 % et 20 % sur leur électronique en s’approvisionnant au Luxembourg, en France, en Allemagne et aux Pays-Bas.

Voilà pourquoi faire ses courses à l’étranger est devenu un nouveau sport national. D’autres en font une forme de tourisme en alliant shopping, promenades, et petits restos. Il faut dire qu’un Belge sur deux habite à moins de 50 km d’une frontière. Au grand dam des commerçants du cru ! Les achats transfrontaliers réalisés par des Belges dans un pays limitrophe connaissent une hausse annuelle moyenne de 3,2 % depuis 2009 et cela aux dépens des commerces locaux.

13 % de plus qu’en Allemagne

L’Observatoire des prix (SPF Economie) a récemment observé que ceux qui font leurs courses dans les supermarchés en Belgique, payent en moyenne 13,4 % de plus qu’en Allemagne, 12,9 % de plus qu’aux Pays-Bas, et 9,1 % de plus qu’en France. Le différentiel de prix s’est encore creusé en cinq ans. L’observatoire des prix n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour arriver à ces résultats. Il a analysé les prix de quelque... 65.000 produits communs aux supermarchés belges et des pays limitrophes. Mais comment diable expliquer un tel différentiel ? Par les taxes et les accises qui sont plus élevées en Belgique que chez nos voisins. Les coûts salariaux sont supérieurs aussi chez nous, même s’ils sont en partie compensés par la productivité des travailleurs du plat pays. Le coût des produits  » made in Belgium  » est aussi paradoxalement plus élevé. La Fevia, la fédération de l’industrie alimentaire belge détaille que  » le handicap salarial réel pour les producteurs alimentaires belges s’élève encore à 17,5 % par rapport aux pays voisins, même après le tax shift « . Pour le reste, les distributeurs des pays voisins plus peuplés profitent d’économies d’échelle pour leurs achats auprès des industries agroalimentaires. Ils réduisent ainsi leurs frais de publicité et de marketing. D’autant que la Belgique, divisée en deux communautés, est un pays compliqué pour les distributeurs.

Pour l’Observatoire des prix toujours, les différences de tarifs deviennent donc colossales d’un pays à l’autre. La catégorie des produits de soins corporels et d’hygiène, par exemple, est 26,8 % plus onéreuse en moyenne en Belgique qu’en Allemagne. Un pays qui agit comme un aimant.  » Nous avons pris l’habitude de nous rendre en Allemagne depuis plus de dix ans, raconte un couple hesbignon vivant entre Tongres et Waremme. Nous avions encore de jeunes enfants et un paquet de langes jumbo de Pampers coûtait facilement 7 € de moins qu’ici ! Pour l’alimentation, le reste est à l’avenant. Les économies sont bien réelles. « 

16.000 emplois perdus

Comeos, la fédération du commerce et des services, appelle toutefois à développer l’esprit critique face à ce type d’étude. Et de rappeler que les marques de distributeur (par exemple Boni chez Colruyt) sont très populaires chez nous. Elles représentent plus de 36 % des ventes. Les fruits et légumes ne sont en outre pas repris dans ce type d’étude. Et pourtant, selon Comeos, ils sont en moyenne 11 % moins chers que chez nos voisins. L’impact des achats transfrontaliers est aussi économique et social. Comeos, toujours, a calculé que la mode de faire ses courses chez nos voisins provoqueraient la perte de 16.000 emplois en Belgique. Le manque à gagner pour l’économie belge (hors e-commerce) serait de 5 milliards d’euros par an. Et pour les consommateurs, les achats transfrontaliers, est-ce toujours rentable ? Oui, si deux règles d’or sont respectées. La première est d’intégrer le coût du transport et de l’ôter de ses éventuels bénéfices. Il devient donc de moins en moins intéressant de se déplacer pour ses seules courses alimentaires. Mais elles peuvent être associées avec un gros achat comme une télévision ou un ordinateur où il n’est pas rare de gagner 150 €. La seconde règle est de bien se concentrer sur les produits où il y de réelles différences de prix. Tout n’est pas moins cher en France ou en Allemagne, loin de là ! Ce n’est pas pour rien que nos voisins se rendent aussi dans nos supermarchés pour certains produits. Comme souvent quand il est question d’argent, il faut jouer de la calculette et voir si le jeu en vaut la chandelle. Ou alors tout simplement combiner tourisme et shopping ludique.

Le plein d’alcool au Luxembourg

 » Augmenter les accises sur l’alcool n’a pas entraîné de baisse de consommation, mais cela a boosté les achats transfrontaliers « , indique Geert Van Lerberghe, directeur général de la Fédération belge des vins et spiritueux. En 2017, soit deux ans après l’augmentation des accises sur le vin et les spiritueux par l’Etat, les recettes des droits d’accises et de la TVA liées à la vente de boissons alcoolisées en Belgique étaient inférieures de 356 millions d’euros aux attentes. Les Belges ont-ils moins bu ? Que nenni ! Ils ont acheté ailleurs. Et ce sont les commerçants luxembourgeois qui sont désormais à la fête. La bouteille d’un litre de pastis Ricard, par exemple, est 10€ moins chère au Luxembourg qu’en Belgique. Il en va de même pour une bouteille d’Absolut vodka 70 cl qui se vend encore une dizaine d’euros dans les supermarchés grand-ducaux contre le double dans les commerces du plat pays. La bouteille de Jack Daniel’s, une quinzaine d’euros, est aussi 10€ moins chère.

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